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« De chacun (volontairement) selon ses capacités à chacun (inconditionnellement) selon ses besoins »
Article mis en ligne le 11 avril 2013
dernière modification le 8 avril 2013

Philippe Van Parijs, philosophe et économiste belge, est l’une des figures modernes de la promotion de l’allocation universelle qu’il présente comme une voie capitaliste vers un communisme moderne. Dans cet entretien, il brosse le tableau de l’émergence de cette idée, les controverses qu’elle a suscitées et suscite encore autour de la question du travail. Militant, il revient également sur son engagement européen, écologiste, en faveur d’une réappropriation de l’urbain avec pour objectif d’offrir aux générations à venir « une vie meilleure ».

Mouvements : Vous êtes l’une des principales figures du revenu universel dans le monde, comment en êtes-vous venu à défendre cette idée ? Quel a été votre cheminement intellectuel et militant ?

Philippe Van Parijs : Ça remonte à 1982. J’y suis venu par deux voies. La première partait de l’urgence de proposer une solution au chômage qui soit écologiquement responsable. Arrivé à Louvain-la-Neuve en 1980 après mon doctorat d’Oxford, j’ai participé à la fondation de la section locale du parti écologiste belge francophone Écolo, alors tout neuf, avec un moine bénédictin et un autre philosophe, Jean-Luc Roland J [1]. J’ai ensuite rapidement rejoint la commission qui devait préparer le premier programme socio-économique d’Écolo.

Un problème s’imposait comme central pour ce programme. Il y avait un chômage très important en Belgique, et même quand la conjoncture était bonne, le chômage ne baissait guère. Pour la grande coalition des patrons et des syndicats, de la gauche et de la droite, il n’y avait qu’une solution pour résoudre le problème du chômage : la croissance. Plus précisément, une croissance dont le taux devait être encore plus élevé que le taux d’accroissement de la productivité, lui-même très élevé. Mais pour des écologistes, une course folle à la croissance sans cesse accélérée ne pouvait être la solution. Y en avait-il une autre ?

C’est dans ce contexte que m’est venue l’idée d’un revenu inconditionnel, ce que j’ai alors proposé de baptiser « allocation universelle » pour suggérer une analogie avec le suffrage universel. Un tel revenu revient à découpler partiellement le revenu engendré par la croissance et la contribution à cette croissance. Il doit permettre de travailler moins à certaines personnes qui se rendent malades en travaillant trop, libérant ainsi des emplois au profit d’autres personnes que rend malades le fait de ne pas trouver du boulot. Un revenu inconditionnel est en quelque sorte une technique souple de redistribution du temps de travail qui s’attaque au problème du chômage sans devoir compter sur une course folle à la croissance.

La seconde voie qui m’a conduit à l’allocation universelle est plus philosophique. (...)