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De l’école alternative…
Article mis en ligne le 9 novembre 2014
dernière modification le 5 novembre 2014

L’éducation conditionne nos vies. Nous avons tenté de savoir modestement à quoi pouvait ressembler une école différente, hors des notes, des évaluations, des programmes, une école qui apprendrait la liberté. A Terre d’éveil dans le Puy-de-Dôme, nous avons rencontré une expérience sociale débutante autour de la citoyenneté et de l’environnement. (...)

L’école possède un immense jardin où les enfants jouent avec de la terre et de l’eau. Ici un enfant peut faire son coin. C’est étrangement calme. Isabelle Delfaut, une parent d’élèves, me l’explique : « Il y a des moments où l’on a envie d’être seul. » La taille du lieu le permet, les salles sont impressionnantes ; larges, presque vides avec des grands poêles à bois. « C’est une ancienne école ici. Nous sommes deux éducatrices pour 15 enfants. » Un rêve, quand une classe à Marseille déborde avec 30 moutards surexcités dans des locaux conçus pour loger des bidasses.

Hors contrat, l’école ne perçoit aucune aide de l’état, ni aucun salaire pour les éducateurs.

A droite de l’entrée, une tisanerie est prévue pour les parents. Virginie Tailhardat et Mika Dambrun ont travaillé trois ans sur le projet avant qu’il ne se concrétise : « C’est expérimental et… éprouvant », me lâche cette professeure de collège qui fait 40 minutes de voiture pour emmener ses enfants. Les parents ont rénové le bâtiment et construit le matériel pédagogique. Christelle, l’éducatrice, précise : « Nous sommes entre les méthodes Montessori et Freinet, l’enfant va travailler là où il en est. » Les apprentissages fondamentaux tels que le langage, les mathématiques et la géographie sont enseignés comme la vie pratique avec une attention particulière pour le corps et les sens.

Jean-Marc vient d’emmener son fils de six ans, Féliz : « J’ai pas l’impression qu’il s’agit d’un troupeau de moutons », m’explique ce technicien du spectacle qui insiste sur le collectif. « Un collectif mais avec des individualités. Et puis Féliz est heureux ici, lui qui a besoin de se défouler, il a de la place. »

Tout cela se construit au jour le jour pour cette première année : « On est dans une démarche où on tente, on réajuste », ajoute Christelle tandis que Féliz croque dans une pomme pourrie. « Va plutôt la donner aux poules ! » lui indique-t-elle.

En ce début d’après-midi une petite réunion commence dans une autre salle où chauffe un gros poêle à granulés. On s’installe par terre pour évoquer les lancers de cailloux du matin. Les filles témoignent des pierres reçues. « Qui a lancé des cailloux ? – C’est Zian. – ça peut faire très mal ! » Tout le monde prend la parole en même temps. Christelle tranche : « On en reparlera en conseil. » Le conseil a lieu chaque jeudi. C’est lors de ce moment qu’on peut faire évoluer les règles dans la perspective d’une communication non violente, jamais acquise de suite.

« Les enfants sont moteurs ici. Il n’y a pas d’échec scolaire car pas d’évaluation, ni de notes », raconte Virginie. Donc pas de punitions, ni de brimades… Pour Jean-Marc, la démarche n’était pas frappée du sceau de l’évidence : « On se sent déstabilisé par rapport aux apprentissages. » Avec sa fille, restée dans le public, « on a des notes, des retours, les cahiers. » Par contre, elle apprend et oublie aussi vite. « Elle ne veut pas savoir autre chose que la leçon. Je me fiche qu’elle soit dans les meilleurs. Curieuse société où on apprend à être libres et égaux et, dans le même temps, à être le meilleur. » La méritocratie républicaine n’est pas, ici, en odeur de sainteté. (...)