
L’histoire contemporaine autant qu’elle fut secouée par des crises économiques, fut aussi ébranlée par des soulèvements populaires, plus ou moins légitimes. Si nous nous référons à l’oeuvre d’un écrivain de génie et homme politique éminent, averti sur la question, Victor Hugo, il semblerait que ce que nos dirigeants aimeraient à faire passer pour des émeutes illégitimes sont des insurrections et portent clairement en elles un vent de démocratie et de justice sociale !
De quoi se compose l’émeute ? De rien et de tout. D’une électricité dégagée peu à peu, d’une flamme subitement jaillie, d’une force qui erre, d’un souffle qui passe. Ce souffle rencontre des têtes qui parlent, des cerveaux qui rêvent, des âmes qui souffrent, des passions qui brûlent, des misères qui hurlent, et les emporte. Où ?
Au hasard. À travers l’État, à travers les lois, à travers la prospérité et l’insolence des autres.
(...) Le suffrage universel a cela d’admirable qu’il dissout l’émeute dans son principe, et qu’en donnant le vote à l’insurrection, il lui ôte l’arme. L’évanouissement des guerres, de la guerre des rues comme de la guerre des frontières, tel est l’inévitable progrès. Quel que soit aujourd’hui, la paix, c’est Demain.
Du reste, insurrection, émeute, en quoi la première diffère de la seconde, le bourgeois, proprement dit, connaît peu ces nuances. Pour lui tout est sédition, rébellion pure et simple, révolte du dogue contre le maître, essai de morsure qu’il faut punir de la chaîne et de la niche, aboiement, jappement ; jusqu’au jour où la tête du chien, grossie tout à coup, s’ébauche vaguement dans l’ombre en face de lion.
Alors le bourgeois crie : Vive le peuple !
Victor Hugo, Les Misérables.(...) Wikio