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La Quadrature du Net
De l’intimité et de sa nécessité
Article mis en ligne le 13 mars 2016
dernière modification le 8 mars 2016

Depuis 2012 et les révélations d’Edward Snowden nous apportant des preuves de la surveillance de masse des communications du monde entier par les USA et la Grande-Bretagne1, il n’est plus possible d’ignorer celle-ci (et encore moins de nier son existence). Depuis 2008, pour la Quadrature du Net, je participe à des interventions diverses, répondant aux invitations d’écoles, de colloques, de médias. Ces dernières années, la question de la surveillance de masse s’est rappelée à nous avec force.

Je parle ici de la surveillance des réseaux de communication mondiaux par les services secrets américains, britanniques, français et d’autres pays, mais également des caméras dans les rues ou aux distributeurs automatiques, des micros et webcams d’ordinateurs piratés à distance, et aussi de la surveillance numérique privée de nos données : banque, assurance, réseaux sociaux, objets connectés, et demain voitures ou drones autopilotés. Aujourd’hui, même les logiciels de base sur ordinateur, tablette ou téléphone, Microsoft et Google en tête, font de nos vie privées un business juteux2. Trop souvent, pour justifier de cette surveillance de nos vies, on m’oppose l’argument : « Si vous ne faites rien d’illégal, pourquoi auriez-vous quelque chose à cacher ? ».

La première réponse, la plus facile, consiste à rétorquer : « Si je ne fais rien d’illégal, pourquoi les services secrets auraient-il le droit d’enregistrer mes conversations ? ». En retour, j’ai souvent droit à un lapidaire : « Si vous n’avez rien à cacher, pourquoi être inquiété par la surveillance ? », sous-entendant ainsi que tout ce que l’on souhaite cacher est illégal.

Au fil des ans, j’ai construit quelques arguments contre cette surveillance omniprésente et ses partisans, notamment grâce à l’aide précieuse de mes camarades de la Quadrature du Net3, de l’ACLU4, de l’EFF5, Bruce Steiner, Ladar Levison6, Moxie, les amis du CCC7 et tant d’autres. Voici ces réponses.

Des proches

Dans nos vies, il y a beaucoup de choses que l’on garde pour soi. Les premières personnes à qui nous cachons des choses, ce sont nos amis les plus chers et notre famille : le fait d’aimer quelqu’un, d’être malade, enceinte, homosexuel, d’avoir une passion inassumée, d’aller visiter cet oncle que tout le monde déteste, d’avoir des opinions politiques. Bref, de nombreux événements de nos vies requièrent la confidentialité. Quand bien même, dans notre vie de tous les jours, on ne se sent pas toujours concerné, cela devrait nous pousser à soutenir une société où la vie des autres bénéficierait de ce droit. On appelle cela « vie privée » pour cette raison.
La compréhension naturelle de l’intimité

Nous cachons tous un grand nombre de choses dans nos vies, le plus souvent sans avoir rien fait de mal. La plupart d’entre nous ne sont pas à l’aise à l’idée d’être nus en public. La nudité est un bon exemple de cette compréhension naturelle qu’a chacun de l’intime. L’une peut être à l’aise dans son corps, aller au hammam, dormir nue, mais pour autant ne pas vouloir être topless sur la plage. Et cela est un affect, et un droit, qui paraissent évident.

Que nos vies soient tonitruantes ou non, que l’on soit un adolescent fan de hip-hop, un retraité passionné d’orchidées ou un défenseur de Notre-Dame-des-Landes, l’idée de savoir que quelqu’un puisse éplucher nos emails, nos recherches sur Internet ou l’ensemble des entrées et sorties de notre compte en banque a de quoi nous inquiéter. Cette désagréable sensation, souvent difficile à ex­pliquer, donne souvent lieu à un réflexe du type « ça n’est pas leurs affaires ». Admettre ce sentiment est un excellent début. (...)

L’analyse des comportements, ce fameux « big data » dont on entend tant parler, est un des ennemis invisibles de notre époque. Il devrait à lui seul redonner à chacun le sens de l’importance de ce droit fondamental qu’est la vie privée et son respect. (...)

Le combat politique

La possibilité de participer à la vie de la cité, par l’engagement politique, associatif ou syndical me paraît l’objet ayant le plus besoin d’une protection de la vie privée. (...)

Sans vie privée, il n’y a aucun moyen de s’organiser politiquement pour défendre des causes qui aujourd’hui peuvent paraître illégitimes, mais qui demain ne le seraient plus, car la majorité en aurait décidé autrement. Cela ne signifie pas que ce sera simple, la désobéissance civile a souvent souffert de l’espionnage des services secrets, au prix de vies perdues et de prison, mais la vie privée reste seule capable d’apporter cet équilibre entre justice et possibilité de changement. (...)

Et maintenant, que fait-on ?

Défendre sa vie privée passe par deux réactions principales :

Primo, partagez avec vos proches ces arguments pour la défense de l’intimité et son importance dans notre monde hyper connecté. Faites-en un sujet de nombreuses discussions et défendez-la comme un droit fondamental, à l’aide des armes dont vous disposez désormais.

Secundo, protégez-vous, formez-vous peu à peu à la compréhension des enjeux du numérique, puisqu’il est désormais omniprésent dans nos vies (...)

À cette fin, vous pouvez chercher dans votre région l’existence de « salon vie privée », parfois appelés aussi « café vie privée », « cryptoparty », ou « chiffrofêtes ». Ce sont des rendez-vous où chacun peut venir poser ses questions sur le numérique, son usage, la protection de ses données, de son intimité, la lutte contre le profilage, le chiffrement de ses données, téléphones, disques dur, afin de les protéger des big brother étatiques et corporatistes, et aussi, souvent, des little brother que sont nos proches, parfois curieux, souvent négligés dans cette équation.
Si aucun « salon vie privée » n’existe dans votre région, demandez-moi, nous pourrions trouver des personnes de votre coin capable de les organiser avec vous, pour faire passer le mot, et vous aider.

Pour ceux qui voudront aller plus loin, vous découvrirez au final que seuls quelques principes techniques nous permettent de reprendre en main notre vie privée : le logiciel libre à faire tourner sur nos ordinateurs et téléphones12, les protocoles non centralisés13, donc pas au mains des géants de l’Internet14, et le chiffrement des communications de bout en bout15, seul à même d’interdire à des intermédiaires d’accéder à nos informations personnelles. Ce sont les seules armes dont nous disposons à ce jour. La défense de notre intimité nécessite de s’approprier ces outils, afin de protéger efficacement ce droit fondamental qu’est la vie privée.

Rendez-vous donc sur controle-tes-donnees.net pour en savoir plus