
Aujourd’hui, la banalisation du viol et la dépendance affective sont des choses dont on ne parle pas assez. C’est pourquoi il faut encourager la libération de la parole. Ce témoignage est une partie de mon histoire. Pour encourager les jeunes à parler, à se connaître, à se respecter. Apprenons leur le respect et l’amour de soi.
C’était il y a longtemps. J’étais au collège. Il y avait ce garçon qui était dans ma classe. Il semblait timide, introverti, peu sûr de lui. Je le connaissais d’avant parce que ma sœur et son frère avaient été dans la même classe pendant tout le collège.
Je ne me souviens pas avoir entretenu avec lui des rapports particuliers jusqu’au dernier jour de 3ème où nous avons fait le chemin du retour ensemble. C’est là vraiment, je crois, que nous avons commencé à discuter. Je trouvais sa timidité séduisante et attirante. Pour moi, qui avais un caractère déluré à l’époque, très extraverti, les cheveux rouges et tout le tintouin, j’ai été attiré par sa fragilité. Mais en réalité c’est plus que cela qui m’a attiré chez lui : c’était que j’étais mal dans ma peau. (...)
Nous échangions beaucoup au travers d’une plate-forme de discussion en ligne qui sera, plus tard, détrônée par Facebook, et il n’habitait pas très loin de chez moi. Lui et son histoire étaient devenus un refuge. Un sombre refuge finalement... Et il me faisait rêver à coup d’histoires, de rendez-vous qu’il avait eu dans des coins sombres de la capitale. Je ne marchais pas, je courais ! C’était tellement excitant. Cela me sortait tellement de ce train train quotidien, de cette société dont je me sentais exclue et incomprise. Oui parce qu’à cette époque, qui correspond à mes années lycée, j’avais la grosse étiquette de « grosse asociale rebelle » collée en énooooorme sur le dos. (...)
Un jour, alors que nous discutions de ces activités extra-scolaires, il m’a révélé que, pour franchir un échelon de son organisation, il devait déshabiller une fille.... Vous les voyez venir ? Oui, moi aussi. Je ne sais plus ce qui a fini par me convaincre car, bien entendu, au départ je ne voulais pas. Je pense que c’était mon mal-être, l’attrait du sien, mon besoin de me retrouver dans les bras de quelqu’un, les siens pour le coup. Il n’empêche qu’un beau jour, j’ai empoigné une bouteille de whisky qu’avait mon papa, j’y ai bu quelques gorgées histoire de mon donner du courage et j’y suis allée. Nous sommes allée dans sa chambre et je l’ai laissé me déshabiller. Stupide. Oui. Sauf que les choses ne ce sont pas arrêtées là. Il a commencé à me caresser l’entre-jambe jusqu’à me pénétrer avec ses doigts et ça, je ne le voulais pas. Je lui ais demandé gentiment d’arrêter mais il continuait. Je lui ai répété plusieurs fois « non arrête s’il te plaît, je ne veux pas » mais il a continué. Puis il a arrêté, je me suis ’’rhabillée’’ et je suis partie. J’étais jeune, mal dans ma peau et je ne pouvais ni voulais admettre ce qu’il venait de se passer avec ce garçon que j’appelais « ami ». Un viol. Voilà ce que c’était. Tout simplement. A partir du moment où il avait commencé à me toucher et à me pénétrer, que les premiers mots qui sont sortis de ma bouche ont été « non » et qu’il a continué, c’était un viol, car je ne voulais pas. (...)
J’aurais aimé vous dire que l’histoire s’est arrêtée là, que j’ai coupé les ponts avec ce jeune instable, malade psychologiquement, mais non. En fait, si, je l’ai fais. Mais mon esprit était bien torturé à ce moment et j’avais apparemment décidé qu’il m’en fallait plus pour apprendre... Beaucoup plus. (...)
Nos chemins c’étaient définitivement séparés lorsqu’en première il partit dans un autre lycée. Cela m’avait grandement facilité la tâche. Cependant, je continuais à croiser sa grand-mère, des amis communs et, aussi bizarre que celui puisse paraître, je me sentais coupable. (...)
j’étais la coupable. Coupable de lui avoir fait de la peine. Coupable de lui avoir fait miroiter quelque chose pour ensuite le jeter comme une vieille chaussette. Lui, n’avait apparemment aucune idée de la raison pour laquelle je me sentais mal à l’aise, pourquoi j’avais décidé de ne plus le voir. Il n’avait rien fait de mal.
Vint alors le jour, funeste, où j’ai pris mon téléphone pour l’appeler et m’excuser d’avoir été si dure avec lui. Je dis « funeste » car tout cela n’a été que le début d’une longue, très longue, descente dans l’obscurité qui aura duré 9 ans. (...)
Je ne juge pas ceux et celles qui ont une vie sexuelle délurée, bien remplie et assumée. La question qui est importante est celle du choix, du respect de ses propres limites et de sa personne. Si on multiplie les parties de jambes en l’air, parce qu’en toute connaissance de soi, on est totalement ok avec, il n’y a pas de problème. Tant mieux même ! Mais si on le fait parce qu’on n’a pas conscience de la personne qu’on est, de ses limites et qu’on le fait parce qu’on ne connaît rien d’autre, là il y a problème. A mon sens en tout cas et c’est ce qui a été mon cas.
J’ai choisi de témoigner aujourd’hui sur cet épisode de ma vie parce que mon subconscient m’a gentiment indiqué que c’était le moment de se repencher là-dessus, parce que je sais que de jeunes gens (surtout des jeunes femmes) sont dans le même dédale infernale, parce que je sais qu’aujourd’hui la banalisation du viol et la dépendance affective sont des choses dont on parle et qu’il faut encourager la parole à se lever, parce qu’il incombe aux parents de prévenir ce genre de comportement à risque chez leurs enfants. Encourageons les jeunes à parler, à se connaître, à se respecter. Apprenons leur le respect et l’amour de soi.