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Intervention lucide et argumentée de l’écologiste Lamberts au Parlement européen qui met en lumière les contradictions d’ EmmanuelMacron entre ses paroles et les actes
Article mis en ligne le 18 avril 2018

Débat sur le futur de l’Europe avec Emmanuel Macron, discours de
Philippe Lamberts, co-président groupe des Verts/ALE, 17 avril 2018

Monsieur le Président, chers collègues

Il est bon que la France soit de retour. Cela faisait trop longtemps que
son siège européen était physiquement occupé mais politiquement
vide. Bien sûr, l’Europe ne peut être ni française, ni allemande, mais si
elle veut bâtir dans la durée, elle doit pouvoir compter sur
l’engagement résolu et de l’Allemagne et de la France. Une France
qui pourrait, si elle le veut vraiment, incarner la devise européenne de
l’unité dans la diversité.
Monsieur le Président, l’ambition que vous dessinez pour l’Europe fait
écho, en de nombreux points, aux combats que nous, les écologistes
et régionalistes, menons de longue date.
Nous sommes convaincus, comme vous, que les Européens doivent
agir ensemble pour répondre aux défis de ce siècle. Là se trouve la clef
de notre véritable souveraineté.
Nous partageons votre volonté de construire une Union politique qui
redonne la parole aux citoyens. Ils doivent être au centre du projet
européen, non à sa marge.

Comme vous, nous voulons donner un avenir à notre monnaie
commune. Cela exige un budget solide pour investir ensemble, une
garantie commune des dépôts bancaires mais aussi la fin de la
concurrence fiscale et du dumping social.
Enfin, nous sommes avec vous pour affirmer « Make our planet great
again ». Nous le savons, et vous le savez : l’Europe doit être à l’avantgarde
de la transition écologique - à commencer par le budget
européen qui doit en être l’instrument. L’écologie est la clé de notre
prospérité.


Monsieur le Président, ce que vous souhaitez pour l’Europe, vous
affirmez que « la France doit commencer dès à présent à le faire ellemême
 ». Votre action raconte une tout autre histoire. Une histoire qui
met à mal la devise de votre pays : LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ.

Où est la LIBERTE, lorsque vos citoyens peuvent être surveillés,
assignés à résidence ou perquisitionnés, sur de simples soupçons de la
police ? Où est la liberté, lorsque des policiers armés débarquent au
petit matin pour arrêter un groupe de jeunes, dont le seul tort serait
d’avoir pacifiquement occupé un chantier ? Ma fille en était. Elle a été
emmenée, devant son fils de 2 ans, pour subir un interrogatoire huit
heures durant. Dans votre France, l’État de droit, garant de nos
libertés, s’éloigne jour après jour.

LIBERTÉ, ÉGALITÉ…

Où est-elle, L’ÉGALITÉ, quand vous imposez toujours plus de précarité
aux travailleurs alors qu’en même temps, vous faites des cadeaux
fiscaux aux plus riches, ceux que vous aimez appeler les premiers de
cordée ?

Votre foi en eux semble inébranlable. Mais ce qui définit la cordée,
Monsieur Macron, c’est... la corde. C’est elle qui permet d’adapter la
vitesse du premier de cordée aux besoins du groupe. C’est elle encore
qui empêche les derniers de cordée de tomber au ravin. Mais, dans
nos sociétés, CETTE corde n’existe plus : les riches s’enrichissent, les
classes moyennes stagnent et se précarisent tandis que les plus
fragiles sont abandonnés à leur sort.

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ…

Est-ce au nom de la fraternité que vous vendez des armes à des
régimes qui les retournent contre leur propre peuple ou contre leurs
voisins ? Où est-elle quand votre police lacère tentes et sacs de
couchage de migrants ? Procédures expéditives, recours nonsuspensifs,
détentions administratives. Voilà les ingrédients de votre
projet de loi sur l’asile et l’immigration. Contenir et refouler, au lieu
d’accueillir les êtres humains en exode forcé.

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ…

Au pays de l’accord sur le climat, j’ajouterais un quatrième terme :
DURABILITÉ. Vous dites vouloir la taxe carbone, la fin du glyphosate et
celle des voitures diesel : bravo ! Mais vous restez un ardent
promoteur des traités de libre-échange et, pire encore, du nucléaire.
Vous avez permis, contrairement à votre prédécesseur, que l’Union
adopte une définition laxiste des perturbateurs endocriniens. Certes,
vous avez abandonné le projet insensé d’aéroport à Notre-Dame-desLandes
 ; mais c’est pour ensuite écraser dans la violence les projets de
celles et ceux qui inventent depuis des années une autre manière de
vivre.

Monsieur le Président, un livre vous dit philosophe. Il affirme qu’aucun
de vos mots n’est le fruit du hasard. Voici quelques mois, vous avez
parlé des « gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien. » Vous
n’avez pas dit « des gens qui n’ont rien » ou « qui ne font rien ». Vous
avez dit : « des gens qui ne sont rien ». Pour nous, Monsieur le
Président, le projet européen consiste à ce que plus jamais, nulle part
sur notre continent, aucune femme, aucun homme ne puisse être
considéré comme « rien », ni se penser comme « rien ». Considérer
des humains comme rien, c’est permettre de leur faire subir n’importe
quoi. Ceci, nous ne l’accepterons jamais.

Monsieur le Président, vous offrez à vos hôtes de marque un cadeau
symbolique. Permettez-moi de faire de même. Je vous offre une corde
d’escalade, symbole de la cordée, de ces liens qu’il est urgent de
retisser au sein même de nos sociétés et entre elles.

Chaque fois que vous voudrez conduire l’Europe vers plus de liberté,
plus d’égalité et plus de fraternité, chaque fois que vous agirez pour
une Europe plus juste, plus durable et plus démocratique, nous serons
à vos côtés. À défaut, vous nous trouverez sur votre chemin