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Grand Angle
Déchets parmi les déchets : les Roms et « nous »
Article mis en ligne le 20 octobre 2013

En Italie, on assiste ces derniers temps à une recrudescence des pogroms anti-Roms. Depuis l’entrée de la Roumanie dans l’UE début 2007, fuyant des discriminations qui s’accentuent et une misère extrême qui les frappe tout particulièrement, un nombre croissant de Roms ont trouvé refuge dans la péninsule, où ils vivent à la périphérie des grandes villes dans des conditions là encore déplorables.

La réaction de la populace locale est en parfaite harmonie avec celle du gouvernement italien de droite, qui fait appel pour enrayer la « peste tzigane » à des remèdes d’un autre âge : des mesures spéciales auxquelles seul le groupe des Sintis et des Roms est assujetti.

S’il est indéniable que, de toute l’Europe occidentale, c’est actuellement en Italie que la récente fièvre anti-Roms montre son plus hideux visage, on aurait toutefois tort de croire que cette forme de racisme se circonscrit à ce seul pays. En Allemagne également, agressions du même type et propagande anti-Roms dans les médias affichent depuis le début des années 1990 une nette progression (1), cependant que l’extermination massive des Sintis et des Roms perpétrée sous le national-socialisme a tendance à se voir relativisée.

Songeons seulement, à titre d’exemple frappant, aux émeutes racistes de Rostock en 1992 et à leurs incidences au niveau de l’Etat. Comme nous savons d’expérience que, même à gauche, le souvenir de ces événements a tendance à s’effacer, voici pour mémoire : « Le 24 septembre 1992, un mois après le pogrom de Rostock dirigé essentiellement contre les réfugiés roms venus d’Europe de l’Est, les gouvernements allemand et roumain signèrent un accord par lequel la Roumanie s’engageait à accueillir en retour les demandeurs d’asile déboutés, notamment ceux et celles qui n’avaient pu présenter de papiers d’identité en règle (2).

Cette forme de discrimination a déjà une longue histoire, mais une histoire malheureusement trop méconnue. En Italie, par exemple, le phénomène de l’antitziganisme n’est pratiquement pas étudié (3). Même chose en Allemagne où, malgré l’abondance des travaux historiques sur le national-socialisme, on a commencé tardivement à s’intéresser à cette question, et où ce n’est que tout récemment que certains résultats ont pu être établis. (...)

La politique anti-Roms préfigurait même le problème des « sans-papiers » : « La méthode consistant à enfermer les Roms dans la situation illégale des sans-papiers paraît être un des traits structurels essentiels de l’antitziganisme (23) ».

Les mesures prises par l’administration de crise, qui relèvent typiquement de l’antitziganisme mais visent tout le monde, se combinent ici à une idéologie de masse anti-Roms. Plus les classes moyennes voient s’approcher la menace de déchéance, plus elles reconnaissent leur propre visage dans le prototype du superflu et du proscrit des sociétés européennes, c’est-à-dire le « Tzigane » (24).

Tout comme on peut parler d’un antisémitisme structurel, qui se manifeste notamment par la critique des marchés financiers et le fantasme d’une conspiration mondiale où il n’est même pas question des Juifs, il y aurait lieu également d’évoquer un antitziganisme structurel lorsqu’à travers la peur de notre propre chute, de notre déclassement, de notre glissement dans l’asocialité et la criminalité, c’est implicitement le stéréotype du Tzigane qui est à l’œuvre, quand bien même les « Tziganes » ne sont pas mentionnés. Dès qu’il s’agit de passer de la discrimination sociale à l’exclusion raciste, le stéréotype du Tzigane se révèle tout à fait idoine. (...)