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Mediapart
Défiant l’Otan, la Russie frappe plusieurs bases et aéroports militaires dans l’ouest de l’Ukraine
Article mis en ligne le 14 mars 2022

Des missiles de croisière russes ont détruit, dimanche 13 mars, un vaste complexe militaire à seulement 20 kilomètres de la Pologne, faisant au moins 35 morts et plus de 130 blessés. Deux aéroports de la région ont aussi été détruits. Moscou veut enrayer les livraisons d’armes à l’Ukraine et montrer qu’il peut frapper jusqu’aux frontières de l’Otan.

C’est le plus grand défi lancé à l’Europe et à l’Otan depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février, par l’armée russe. Dimanche 13 mars, vers 4 heures du matin, Moscou a lancé une campagne aérienne d’envergure contre des installations militaires ukrainiennes dans l’ouest du pays.

C’est la première fois que des tirs de missiles aussi intenses surviennent dans ces régions de l’Ouest, jusqu’alors largement épargnées par le conflit. Dans toutes les villes de l’ouest du pays, les sirènes d’alarme anti-aériennes ont sonné plusieurs heures jusqu’à l’aube. (...)

Au moins huit missiles de croisière ont frappé le « Centre international de maintien de la paix et de la sécurité ». Ce complexe militaire hérité de l’époque soviétique était depuis plusieurs années utilisé comme centre d’entraînement des forces ukrainiennes par des instructeurs américains, britanniques, canadiens, polonais ou d’autres pays membres de l’Otan. Ces entraînements concernaient les forces appelées à combattre dans le Donbass mais également celles déployées à l’étranger et intégrées à des missions de la paix des Nations unies.

Depuis le début de la guerre, à en croire un porte-parole de l’armée ukrainienne, il accueillait des combattants volontaires étrangers venus s’enrôler dans la « Légion internationale » créée par le ministère de la défense. Il y a quelques jours, le ministre des armées assurait que cette légion comptait d’ores et déjà 20 000 hommes. Il était également un centre de transit pour des cargaisons d’armes venues de l’étranger. Deux autres bases de ce type existent dans l’ouest de l’Ukraine.

Selon l’armée ukrainienne, un millier de ces combattants étrangers étaient à l’entraînement dans le Centre international. Cela explique sans doute le bilan très lourd des frappes de missiles : au moins 35 morts et plus de 130 blessés, selon le gouverneur de la région. (...)

il semble que les destructions aient été majeures. Quatre heures après les frappes aériennes, des incendies continuaient dans le périmètre de la base et dans des bâtiments de casernement.

Au même moment ce dimanche matin, l’aéroport militaire d’Ivano-Frankivsk, une ville à 150 kilomètres au sud de Lviv, était à nouveau frappé par un missile, pour la troisième fois depuis le début de la guerre. Aucun bilan n’a été communiqué. Enfin, le vendredi 11 mars, c’est l’aéroport militaire de Loutsk, une ville à 120 kilomètres de Lviv, ainsi que la base et les casernes qui l’entourent qui étaient bombardés par l’aviation russe. Quatre soldats ukrainiens ont été tués et six blessés.

La Russie montre ainsi qu’elle peut frapper n’importe où et à tout moment, même dans les régions plus éloignées de l’Ouest. Selon l’administration régionale, « c’est une trentaine de missiles qui ont été tirés » depuis la mer Noire par des avions venus de la ville russe de Saratov.

Les autorités locales ukrainiennes ont aussi assuré que la majorité de ces missiles ont pu être interceptés et détruits par des systèmes anti-aériens. Ces informations n’ont pas pu être vérifiées indépendamment, de même que les journalistes ont été tenus à l’écart du Centre international frappé. (...)

La Russie a ainsi parfaitement exécuté ce qu’elle avait annoncé la veille et les quelques jours précédents, de plus en plus inquiète des livraisons d’armes massives faites à l’Ukraine par les États-Unis et une vingtaine d’autres pays, la plupart membres de l’Otan. Il s’agit, par ce type d’opération, de briser les chaînes d’approvisionnement en armes qui font de l’ouest du pays une vaste base arrière. (...)

Au moment où l’armée russe, après deux semaines et demie de guerre, n’a pas pris le contrôle d’une seule grande ville ukrainienne, ces opérations aériennes viennent rappeler la puissance de ses armements et sa suprématie aérienne. Le bombardement du Centre international, à seulement quelques kilomètres de la Pologne, attise également les tensions avec l’Otan.

Depuis plusieurs jours, l’armée polonaise a été placée en alerte maximum, avec des déploiements de troupes et matériels à ses frontières. L’armée américaine a également renforcé sa présence dans ce pays.

Dimanche, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, en réplique aux frappes russes, a insisté : « Nous renforçons et installons des forces et capacités militaires sur le flanc est du territoire de l’Otan. » « Il doit être clair que nous défendrons avec nos alliés chaque pouce de ce territoire », a-t-il ajouté, précisant tout de même qu’une « hotline directe » entre le Pentagone et le ministère russe de la défense était installée pour prévenir « toute confusion ou escalade ».

Les frappes aériennes de ce dimanche matin viennent enfin confirmer que l’ouest du pays n’est plus une zone refuge. La tension est de plus en plus grande ces derniers jours, avec une multiplication des check-points et des bunkers à chaque entrée de ville ou de bourg. Les contrôles sont renforcés et les hommes en armes – jusqu’alors relativement peu présents – sont de plus en plus nombreux. (...)

Si Loutsk s’est hérissé de check-points, hérissons antichars, blocs de béton et casemates enfouies derrière des sacs de sable, les autorités ne cachent pas la faiblesse des capacités militaires de la ville. « L’essentiel des forces a évidemment été envoyé vers Kyiv [Kiev en russe] ou Kharkiv ou Marioupol. Nous avons assez peu de moyens militaires ici », dit la responsable municipale.

La Défense territoriale, cette armée de réserve constituée de volontaires, se heurte pour sa part à des problèmes d’équipement. « Tout le monde veut s’enrôler mais ce n’est pas possible. Nous avons des problèmes de matériel. Il nous manque, par exemple, des casques et des gilets pare-balles. Il est impossible d’intégrer des gens sans cela », ajoute Iryna Tchebeliouk.

L’inquiétude est d’autant plus vive que la ville de Loutsk est à 110 kilomètres de la Biélorussie et constitue la première agglomération sur la grande route qui mène à Lviv depuis la frontière. Si le dictateur Loukachenko, en visite à Moscou vendredi, décidait d’engager son armée dans ce conflit, il ne fait guère de doute que Loutsk serait immédiatement une ligne de front. « Oui, c’est un élément d’inquiétude supplémentaire », dit cette responsable de la municipalité. (...)

En plus de ces problèmes de sécurité, l’administration locale doit gérer un afflux massif de réfugié·es (...)