
Parmi les questions oubliées du 5 décembre (par les enseignants mais pas seulement) : la place exorbitante prise dans les dépenses publiques par le budget militaire qui n’a jamais de comptes à rendre à une opinion publique qui s’en accommode, il est vrai, avec une complaisance déconcertante.
En 2020, comme les années précédentes, le budget militaire ne connaît ni la crise ni les obligations imposées aux civils : avec une hausse de 4, 5 %, il atteint 37, 5 milliards d’euros. La loi de programmation militaire (LPM, juin 2018) fait bénéficier le budget de la défense d’une hausse de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, puis de 3 milliards par an à partir de 2023. Au total, les six années de cette loi de programmation auront englouti près de 300 milliards d’euros, dont 37 milliards pour la bombe atomique. Un choix politique qui fait de la France le pays d’Europe qui dépense le plus pour son armée mais un choix politique jamais remis en cause ni par les partis politiques (qui souvent, même, trouvent le moyen de surenchérir) ni par les organisations professionnelles.
En 2020, l’armée pourra certes acquérir plusieurs centaines de blindés supplémentaires, un sous-marin, des hélicoptères (qu’on espère plus fiables que ceux qui se sont illustrés au Mali…), des avions etc mais dans le même temps, l’Education nationale ferme des écoles, baisse le nombre de postes aux concours, fait obstacle à toute demande d’augmentation de rémunération, s’obstine à ne rien voir de la situation de détresse matérielle et humaine de certains établissements. (...)
4 décembre, l’ONU lance un appel à l’aide humanitaire de 29 milliards d’euros, un montant à comparer aux 1800 milliards de dollars dépensés cette année dans le monde pour les budgets militaires. Question de priorité, assurément…
De façon significative, ce gaspillage éhonté de la richesse publique n’est jamais mis en avant dans les revendications sociales, un peu comme s’il était admis une fois pour toutes que les dépenses militaires ressortaient d’un autre domaine d’appréciation, qu’elles n’avaient jamais à être interrogées sur leur finalité, au demeurant jamais définies. Sacralisées, tabou, elles sont un angle mort de la plupart des analyses économiques, de droite comme de gauche et de la contestation sociale qui, jamais, n’y fait référence. On n’en trouve nulle mention dans les catalogues revendicatifs, nulle organisation enseignante ne semble s’y intéresser et – pire même – lorsque le gouvernement met en place dans les établissements scolaires une période obligatoire d’internement militaire (le SNU), financée par le budget de l’éducation (à hauteur de 3 milliards d’euros par an dans sa version finale), cet ahurissant dispositif ne suscite que de très marginales critiques, la majorité des enseignants n’y trouvant rien de contestable.
La convergence des luttes s’arrête aux portes de la chose militaire…