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Article mis en ligne le 23 novembre 2014
dernière modification le 19 novembre 2014

Cet été, Christophe de Margerie [1], PDG de Total, a déclaré dans Ouest-France que son groupe allait réduire la voilure en Europe et fermer des raffineries. Une annonce qui n’en est pas vraiment une  : en 2010, en plein conflit des raffineries Total sur le point de paralyser le pays, ce même Margerie avait déclaré qu’il ne ferait rien avant 2015. Eh bien ça y est, on s’en approche.

Donc les salariés des raffineries de La Mède, Feyzin, Grandpuits, et peut-être Donges, ont du souci à se faire. La multinationale, par ailleurs soutien indéfectible de l’amitié franco-russe, ne maintiendrait en Europe que deux raffineries, à Gonfreville-l’Orcher (près du Havre) et à Anvers. La raison invoquée au sujet de ces fermetures serait la surcapacité de production en France (on importe pourtant des tonnes de gasoil). En fait, Total a nettement investi au Moyen-Orient, et notamment à Jubail, en Arabie Saoudite, où un immense complexe industriel, inauguré l’an dernier, va bientôt constituer l’essentiel de ses capacités de raffinage. (...)

Total n’est pas seul à baisser pavillon  : LyondellBasell, dans les Bouches-du-Rhône, est sous cocon depuis 2012, avant fermeture ; Exxon annonce des réductions de capacités en Europe, avec l’arrêt probable de la raffinerie du Havre, et la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne, près de Rouen, a déjà mis la clé sous la porte.

Moralité ? On va peut-être mieux respirer à proximité des sites de production mais il y aura beaucoup plus de supertankers en mer et de camions-citernes sur les routes. Il y a quelques jours, j’ai assisté à l’AG traditionnelle du jeudi qui se tient toujours devant les portes de la raffinerie Petroplus. Une trentaine de personnes, dont à peine la moitié de Petroplus, à écouter Jean-Luc, délégué CGT, nous présenter un énième projet de reprise du site. On se dit à chaque fois que c’est la dernière AG, que certains vont s’apercevoir que c’est fini, mais il reste quelques militants qui se bercent d’illusions. Par peur du vide de l’après, sans doute. (...)

J’arrive à « la mienne », d’usine. Les fumées sont bizarres, signe que les ateliers ne marchent pas correctement. Malgré des travaux très lourds étalés sur trois mois, malgré des dizaines de millions d’euros investis, les ateliers en sont presque au même point. L’atelier d’ammoniac n’arrive pas à produire, il y a toujours une turbine, un échangeur, des soupapes qui lâchent. Quant à l’atelier de fabrication d’engrais, il est à l’arrêt un jour sur deux à cause d’avaries. Est-ce parce que ces travaux sont arrivés trop tard ? Est-ce qu’il aurait fallu mettre encore quelques dizaines de millions supplémentaires ? Est-ce que les travaux ont vraiment été faits ? Rien ne change et les collègues sont de plus en plus dégoûtés et fatigués de devoir effectuer des manœuvres sans arrêt pour des ateliers qui ne tournent toujours pas rond.

Des bruits courent, comme quoi le nouvel acquéreur, suite aux problèmes techniques, envisagerait de garder le site mais de ne l’utiliser que comme une plate-forme de chalandise. C’est-à-dire monter des hangars et des stockages pour importer et exporter des engrais (encore plus de bateaux et de camions). C’est aussi ce que souhaite le port autonome de Rouen, ainsi que les élus locaux (surtout qu’à présent des bateaux gigantesques qui s’arrêtaient au Havre peuvent monter jusqu’à Rouen). Voilà, le décor est planté pour les quelques mois à venir et pour ma dernière saison de « Je vous écris de l’usine ». (...)