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Derrière les réserves autour de la PMA pour toutes, il y a aussi de vraies bonnes questions
Article mis en ligne le 19 décembre 2017

La réécriture de la loi de bioéthique permettra-t-elle d’en finir avec les a priori et les caricatures qui s’opposent à toute réflexion prospective sur ce sujet majeur de société ?

Une certitude : l’année 2018 sera marquée, en France, par la réémergence de quelques solides débats et de polémiques « sociétales ». Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) organisera des « États généraux », entreprise destinée à prendre le pouls de la société française sur des sujets tenus pour politiquement sensibles. Cette consultation s’inscrit dans le processus de réécriture de la loi bioéthique de 2011.

« À partir de janvier, de grands débats publics auront ainsi lieu dans toutes les régions de France, explique La Croix. Organisés par les espaces éthiques régionaux, qui dépendent des agences régionales de santé, ils ont pour but de consulter le grand public sur les questions bioéthiques. Fin juin, un ‘’panel citoyen’’ pourrait également être constitué pour travailler sur ces thématiques. »

Au travail du CCNE s’ajouteront ceux du Conseil d’État et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Un projet de loi suivra avec un vote prévu pour le début de l’année 2019.

l’exécutif soumettra aux parlementaires un projet d’élargissement de la pratique de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Et en dépit des voix qui s’élèveront réclamant un élargissement des sujets devant être abordés, il est fort possible que le débat se borne à ce chapitre avec, en lointaine périphérie, celui de la dépénalisation de la pratique de la grossesse pour autrui (GPA) –hypothèse toujours très largement rejetée dans l’ensemble des familles politiques françaises, même si la population française a beaucoup évolué sur ce sujet.

Argumentaires militants

Beaucoup a déjà été dit sur la « PMA pour toutes », un sujet qui divise la société française dans des proportions qui restent à évaluer (...)

Par son ampleur et ses possibles conséquences le sujet mérite à l’évidence un examen plus large et plus approfondi. Comment dépasser les caricatures, comment progresser dans la réflexion ? Une solution nous est offerte : reprendre l’avis de juin du CCNE et revenir sur les éléments qui précèdent la conclusion favorable à un élargissement –conclusion qui n’a pas été exprimée à la majorité.

Car si une majorité des membres du CCNE « ne formulent pas d’opposition » à l’ouverture de l’insémination artificielle avec donneur (IAD) à toutes les femmes, ils demandent dans le même temps « que soient définies des conditions d’accès et de faisabilité ». Ainsi, au-delà de la conclusion, bien des interrogations pratiques sont soulevées pour lesquelles aucune réponse n’est encore apportée.

« Ces interrogations concernent tout d’abord les situations différentes des couples de femmes et des femmes seules. Les rassembler dans un même avis suscite des réserves […] : dans la situation des femmes seules, l’absence de couple s’ajoute à l’absence de père, et les études s’accordent à souligner la plus grande vulnérabilité des familles monoparentales. Certains membres du CCNE conditionnent la démarche d’ouverture à la distinction de ces deux types de situations familiales. D’autres souhaitent que des dispositions d’accompagnement soient proposées, qui pourraient s’inspirer de celles qui s’appliquent au cadre de l’adoption, ou prendre d’autres formes. »

Gratuité du don du corps humain
De plus, pour le Comité d’éthique, l’élargissement de la possibilité du recours à l’insémination artificielle avec donneur aux couples de femmes, et possiblement aux femmes seules, ne dissipe pas « toutes les interrogations sur les conséquences éventuelles pour l’enfant de ces nouvelles configurations familiales ».

« Celles-ci sont encore l’objet de controverses, observe-t-il. Même si les études s’accordent sur le constat que la structure de la famille compte beaucoup moins que le soutien de l’environnement, la dynamique familiale, la qualité des relations entre parents et enfants ainsi qu’entre les parents eux-mêmes. Un travail de recherche scientifique, sans a priori, fondé sur une méthodologie rigoureuse et consensuelle, doit se poursuivre et impliquer une approche transdisciplinaire associant sciences sociales, médecine et droit. Il pourra seul apporter une réponse incontestable. »

Ce travail doit-il être mené avant la modification de la loi ? Le CCNE ne le dit pas. Il aborde aussi un sujet essentiel, clef de voûte de la loi française de bioéthique :

« Par ailleurs, il ne saurait être question de remettre en cause la solidarité nationale et la gratuité du don des éléments du corps humain. (...)

Où l’on voit qu’un sujet (la « PMA pour toutes ») ne saurait être sans difficulté dissocié du socle juridique français fondé sur l’indisponibilité et la non-patrimonialité du corps humain. Or, au-delà des convictions religieuses, philosophiques et politiques ce refus de la marchandisation des éléments de ce corps est très largement partagé dans l’ensemble de l’opinion française.

Ce n’est pas tout, il est aussi question pour le CCNE, de solidarité nationale face à la maladie :

« Enfin, la charge pécuniaire de l’utilisation des techniques d’AMP hors des indications médicales ne saurait porter sur les moyens financiers de l’assurance-maladie. La question se pose dès lors : les femmes en couples ou les femmes seules devraient-elles supporter seules les frais inhérents à leurs demandes d’aide à la procréation s’ils ne relèvent pas d’indications médicales, ou une certaine forme de solidarité pourrait-elle être envisagée ? »

Où l’on retrouve cette fois une autre question majeure, question trop rarement soulevée : la médecine (et la prise en charge de ses actes par l’assurance maladie) peut-elle sans risque éthique sortir du strict cadre qui la fonde et la légitime : la prise en charge du pathologique ? Quelles seront toutes les conséquences de la sortie des techniques de PMA du cadre strict du traitement des stérilités pathologiques ? Et que répondre à ceux qui estiment que dissoudre les interdits actuels entrouvrira un peu plus vite la porte à ce que préfigure le transhumanisme ? Fautes de soulever, de débattre et de travailler ces questions, le futur débat législatif ne serait qu’un simulacre de démocratie. (...)