
C’est une bulle médiatique qui enfle et qui s’alimente en permanence des dernières déclarations de l’un ou de l’autre. Sarkozy puis Hollande, Hollande puis Sarkozy, le ballet des faiseurs d’opinion autour de ces deux candidats va durer jusqu’au mois de mai. Comme d’habitude, les instituts de sondages ont sélectionné les favoris, les vrais protagonistes de la bataille électorale, ceux dont la moindre déclaration mérite d’être décryptée, analysée. Les médias organisent désormais le débat politique autour de François et de Nicolas, allant jusqu’à mettre en scène des duels par lieutenants interposés
(...) Les autres candidat(e)s jouent le rôle de faire-valoir, ils n’ont d’importance que par rapport au duo de tête ; certes leurs prises de position sont relayées mais elles servent davantage à étalonner le clivage gauche-droite qu’à nourrir la réflexion. Ainsi, comme le fait remarquer Hervé Kempf dans une chronique récemment parue dans « Le Monde » (édition du 30 janvier), Jean-Luc Mélenchon qui est le seul candidat à mettre en avant le concept de planification écologique ne fut pas « titillé » à ce sujet lors de son passage à l’émission « Des paroles et des actes » du 12 janvier dernier.
Hervé Kempf en tire la conclusion que « pour les éminences médiatiques, l’environnement ne fait pas partie des questions sérieuses » ; certes, mais c’est aussi certainement la conséquence du désintérêt des « leaders » pour le sujet. Le débat est rétréci, borné, délimité par ceux qui font la course en tête et par tous les « chiens de garde » ;
il se focalise autour de la forme de libéralisme qui va dominer notre société au cours des cinq prochaines années : s’agira-t-il d’un libéralisme assumé, revendiqué, encouragé, ou d’un libéralisme contraint, subi, d’un libéralisme « malgré-nous » ? La bulle médiatique autour des finalistes présumés de la présidentielle gonfle en asphyxiant notre démocratie. (...)
Parallèlement, une autre bulle n’en finit pas de grossir et d’envahir la sphère médiatique : la bulle de « la crise de la dette ». La crise de la dette monopolise l’attention, parasite le débat électoral et appauvrit la réflexion des « élites » politiques et syndicales. Car, dans le cadre des schémas de pensée classiques associés à notre société de croissance et de consommation, la gestion de cette crise renvoie désormais uniquement, en dernière approche, au dilemme qui tenaille les gouvernements de l’Union Européenne : comment relancer la croissance en adoptant des mesures d’austérité qui risquent au contraire d’entraîner une récession prolongée ? (...)
La crise de la dette, pourtant révélatrice de la faillite d’un système, risque donc, paradoxalement, d’aggraver les méfaits du néolibéralisme ; elle provoque déjà un effacement particulièrement inquiétant de la question environnementale à l’heure où un rapport de l’ONU (remis pour préparer le sommet de Rio+20) rappelle la nécessité et l’urgence de changer de mode de développement. (...)
Sans réflexion en amont sur le contenu du travail, sur la pertinence de la technologie ou du service mis en œuvre, la société de croissance impose un développement contraint qui instrumentalise et asservit les travailleurs et les consommateurs. (...)
Dans cette période pré-électorale, nous sommes plus que jamais dans la manipulation de l’opinion et les citoyens engagés doivent lutter contre l’idéologie ambiante et contre toutes les bulles médiatiques qui asphyxient le débat et réduisent le champ des possibles.