
Ils font vivre des quartiers où il n’y a plus grand-chose. Mais leurs subventions baissent et les contrats aidés disparaissent : un peu partout en France, les centres sociaux tirent la langue. En Paca, c’est maintenant la Région qui se désengage.
D’habitude, à Noël, les minots de la cité des Lierres vont au centre aéré. Mais cette année, il n’y avait « pas d’argent ». Alors le lieu est resté fermé : pas de vacances pour les gamins des pauvres.
Glanée dans le 12e arrondissement de Marseille, cette histoire n’est certainement pas unique en son genre. Car aux quatre coins de l’Hexagone, des centres sociaux crient famine : les subventions s’assèchent. Il a fallu dire adieu à des milliers de contrats aidés, faire le deuil d’une partie des crédits « politique de la ville » – le gouvernement les a réduits de 11 % l’an dernier. Et voilà qu’en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), la Région en rajoute…
Jusqu’à présent, dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, cette institution (aux mains de la droite) participait au budget de fonctionnement des centres sociaux, via une convention-cadre signée avec la Caisse des allocations familiales (Caf) et d’autres collectivités locales (département, mairies…). Un système conçu pour assurer aux centres leur financement de base : de quoi ouvrir la structure et rémunérer quelques postes clés – un préalable à des actions ultérieures. Mais désormais, le conseil régional ne subventionnera plus que des actions spécifiques, sur appel à projets. Pas de quoi emballer Danielle Gallus, directrice d’un centre dans le 14e : « On travaille déjà sur appel à projet. Mais c’est un système complètement incertain. On répond, on est sélectionné ou pas. On obtient un financement pour un an, et puis l’année d’après on ne l’a plus... »
Heureusement, la Région était loin d’être leur premier financeur : les centres sociaux devraient donc parvenir à se remettre de cette perte, même si la douloureuse n’est pas négligeable (9 000 € dans certains cas). Mais cette défection, qui en fait craindre d’autres [1], a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : le 7 décembre, plusieurs centaines de personnes ont manifesté devant le conseil régional.
« C’est notre poumon »
Parmi elles, il y avait Madame Khelil, une usagère du centre social des Lierres : « Mes enfants sont tout le temps là-bas. Soutien scolaire, centre aéré… S’ils ferment ce centre, c’est mort pour nous. » Même sentiment pour Madame Bonjour, une voisine : « Moi, je n’ai pas d’enfants, je dois être la plus vieille du centre. J’y vais tout le temps – on fait de la peinture, du théâtre… Si le centre fermait, il me manquerait. On est toujours bien reçu, pour les papiers, pour tout… Quand mon mari est décédé, j’ai été accompagnée par les personnes qui y travaillent. » Une troisième voisine approuve : « C’est un endroit où on peut discuter, rencontrer d’autres personnes, au lieu de rester à la maison à ne rien faire. Et pour nos enfants, c’est pareil – ça leur permet d’avoir un encadrement. Au lieu de traîner dans la rue, il vaut mieux qu’ils soient au centre. » Madame Khelil, encore : « Le centre social, c’est notre poumon. »
« Dans beaucoup de quartiers, il n’y a plus de commerce, ni de services publics, pointe Joseph Richard-Cochet, délégué départemental de l’Union des centres sociaux des Bouches-du-Rhône. Là, le centre social, c’est la dernière structure qui reste. » Et si on l’enlevait, cet espace collectif de partage ? « On peut imaginer ce que ça donnerait : des gens qui se replient chez eux sur leur souffrance. Dans beaucoup de quartiers, c’est une évolution déjà en cours […]. On voit les scores du FN qui montent énormément, c’est aussi lié à cette question du vivre-ensemble. » (...)
L’été prochain, un nouveau centre social verra le jour dans le quartier. Il disposera de locaux flambant neufs. Pour choisir qui les occupera, la mairie de Marseille a lancé un appel d’offres. L’association historique du centre a vu sa candidature évincée, parce qu’elle était alors « en redressement judiciaire », du fait d’une situation financière difficile, déjà. Il y aurait deux candidats en lice : de grosses associations gérant déjà plusieurs structures. Dans un tel cadre, les habitants auront-ils voix au chapitre ? Il y a peu de chances qu’un seul d’entre eux entre un jour dans leurs conseils d’administration.