
Les inégalités de revenus sont encore bien méconnues dans notre pays, comme le montre Denis Clerc, fondateur du magazine Alternatives Economiques, à travers deux exemples : le plan de rigueur, et les inégalités de salaire.
La presse en a beaucoup parlé : les riches paieront. Sur les 12 milliards d’euros du plan de rigueur présenté le 25 août, les ménages dont le « revenu fiscal de référence » est supérieur à 500 000 euros par part seront taxés de 3 % sur le surplus. Voici donc M. et Mme X, qui exercent une profession libérale. Lui est avocat, elle est juriste. Leur revenu est d’un million d’euros. Ils ont deux parts, et ne sont donc pas concernés par la mesure. Ouf, a soupiré Mme X. « Encore heureux », a poursuivi M. X, « comme si on ne payait pas déjà trop d’impôts ! ».
La presse n’en a pas parlé : les pauvres (et les autres) paieront. M. et Mme Y perçoivent au total un salaire net de 20 000 €. Après déduction de l’abattement de 10 %, le revenu fiscal de référence du ménage est de 18 000 €. Ils ont deux parts, et ne sont pas imposables. Mais ils verront leur salaire net réduit de 20 euros. Parce que, dans le plan de rigueur, il a été décidé que la part du salaire (brut) sur laquelle sont calculées la CSG et la CRDS serait désormais de 98 %, alors qu’elle est actuellement de 97 %. C’est ce point supplémentaire qui se traduira par un prélèvement supplémentaire annuel de 19 € pour M. et Mme Y. Ca ne se remarquera même pas, ont dû se dire les spécialistes de Bercy. Sauf que cette mesure, touchant tous les revenus salariaux sur lesquels sont prélevés CSG et CRDS, sera payée par l’ensemble des 23 millions de salariés, dès le premier euro perçu. C’est le vieux principe des petits ruisseaux qui font les grosses rivières : 550 millions prévus à ce titre, dont personne n’a parlé, contre 200 millions prévus au titre de la mesure de taxation supplémentaire (provisoire) sur les très hauts revenus. (...)
Travailler plus pour gagner plus aurait été un bon slogan progressiste s’il n’avait été détourné au profit des mieux lotis, par la détaxation des heures supplémentaires et, surtout, par la dérive des hauts et très hauts revenus d’activité que leurs détenteurs justifient par la masse de travail et de responsabilité qui pèse sur leurs épaules.
(...) Wikio