
En Norvège, Médecins sans frontières a lancé une campagne pour alerter le public sur l’absence de couverture de crises internationales importantes par les médias du royaume.
L’ONG a présenté le 30 juillet une liste de ces zones oubliées, et lancé une vidéo et d’une pétition pour exiger des journalistes qu’ils informent davantage sur les graves crises humanitaires, jamais mentionnées.
En procédant ainsi, MSF brise un vrai tabou : la Norvège est certes numéro 1 au classement de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, mais ses médias font un bien piètre usage de cette liberté, privilégiant les régimes « low carb » et des dernières performances des participants de l’émission « Dance avec les stars ». (...)
Mais le problème ne s’arrête pas aux crises humanitaires : la séparation de l’Eglise et de l’Etat, entrée en vigueur le 21 mai, n’a pas fait la une. On ne voit jamais d’extraits de débats au « Stortinget » (le Parlement) aux infos.
Tout ce qui peut être sujets à controverse ou perçu comme difficile, les manières de pensées différentes, les débats et critiques de l’ordre établi sont rejetés et censurés. Le journalisme de confrontation n’existe pas.
Provoquer avec d’autres idées ou simplement faire appel à l’intelligence du public est vu comme une menace à l’homogénéité, et on a peur d’être rejeté par les bien-pensants en s’exprimant de façon critique. On s’autocensure. « Le pluralisme et le politiquement correct ne sont pas compatibles, et ce bien que les mots d’ordre de la pensée correcte soient la tolérance et la diversité », indiquent Tranvik et Selle.
« La liberté de la presse leur donne la possibilité de faire tout ce qu’ils veulent tant que cela “vend” (...)
« Nous savons, grâce à des enquêtes que nous avons faites, que 70% de la population norvégienne voudrait moins d’espace consacré à l’actualité des célébrités, et davantage à des lectures sérieuses. Les rédacteurs ont le pouvoir, et nous les encourageons à s’en servir. » (...)
Le journaliste scientifique Bjorn Vassnes confirme également cela dans son livre sorti en 2011 sur « La Fuite de la connaissance », qui dénonce une crise de la connaissance et un appauvrissement de la pensée dans les médias, à l’école et dans le monde académique
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Il va jusqu’à comparer les Norvégiens aux ascidies, qu’il décrit grossièrement comme de petits animaux marins qui, au stade larvaire, ont un cerveau très petit, mais pas de bouche.
Lorsque les ascidies ont trouvé un rocher au fond de la mer sur lequel elles peuvent se fixer, elles commencent à digérer leur cerveau désormais inutile, et en même temps développent une bouche qui peut s’ouvrir en grand. Elles se nourrissent ainsi le reste de leur vie, passivement, de ce qui circule vers elles.
Pour Vassnes, les Norvégiens mènent une existence comparable (...)
Presque un mois après que MSF l’a lancé, ce cri d’alarme n’a toujours pas eu d’écho dans les médias norvégiens.