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France24
Des migrants luttent pour leur survie dans un film à suspense à Cannes
Article mis en ligne le 16 juillet 2021

Bien qu’impacté par la pandémie de Covid-19, l’incontournable Marché du film de Cannes reste le premier tremplin mondial pour le cinéma. France 24 a fait le tour de ses stands et s’est entretenu avec le réalisateur italo-irakien Haider Rashid, à propos son thriller sur les migrants "Europa". (...)

Pour les dénicheurs de nouveaux talents, le Marché du film est également l’endroit idéal pour repérer de futures stars, comme l’acteur britanno-libyen Adam Ali. Il est le protagoniste du thriller "Europa" de Haider Rashid, dont la première a été largement applaudie à la Quinzaine des réalisateurs, mercredi 14 juillet.

Le film retrace le parcours titanesque des migrants qui tentent le passage de la forteresse Europe. Une thématique très actuelle et pourtant reléguée au second plan à Cannes, obnubilé cette année par d’autres sujets d’actualité comme l’urgence climatique. La montée du sentiment anti-immigrés a fait une vilaine apparition dans "Three Floors" de Nanni Moretti, mais il n’y a pas eu cette année l’équivalent d’"Atlantique" de Mati Diop. Tourné au Sénégal, le film avait remporté le Grand Prix en 2019.

Cette année, Haider Rashid situe son film dans une forêt aux portes de l’Europe, où il suit son protagoniste – Kamal, un migrant irakien – avec une caméra portative alors qu’il court, saute, rampe et grimpe aux arbres dans une course effrénée pour survivre. (...)

Dès le prologue, le souffle coupé, on découvre un garde-frontière bulgare qui cloue Kamal au sol et lui dit : "Rentre chez toi, pas d’Europe !". Le jeune Irakien parvient finalement à s’échapper dans les bois, où une menace encore plus sinistre l’attend. Des justiciers improvisés, lourdement armés, traquent et abattent les migrants comme des animaux sauvages. Plus terrifiant encore, le spectateur est informé dès le début du film par des sous-titres à l’écran : tout ceci est basé sur des événements effroyablement réels.

Haider Rashid connaît bien cette histoire, puisque son père a été contraint de fuir l’Irak de Saddam Hussein à la fin des années 1970. Le réalisateur, basé aujourd’hui à Florence, s’est entretenu avec France 24 avant la première de "Europa".

France 24 : Était-il important pour vous de dépeindre le sort des migrants comme une lutte pour la survie ?

Haider Rashid : Je voulais faire un film qui soit un peu choquant, et qu’y a-t-il de plus choquant que quelqu’un qui essaie de survivre ? La situation sur la route des Balkans [une voie migratoire vers l’Europe via la Turquie, NDLR] se résume vraiment à cela, c’est une question de vie ou de mort. Les gens sont traités comme du bétail. Ce problème n’est pas assez médiatisé. Il y a des reportages, mais toujours avec une distance, un filtre. J’ai senti qu’un film de fiction pourrait permettre d’aller plus loin. Et j’ai voulu saisir l’horreur de tout cela en adoptant le genre du thriller.

Comment avez-vous fait vos recherches pour votre film ?

J’ai écrit la première version sur la base de documents et de rapports du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) [de l’ONU, NDLR], d’Amnesty International et des principales organisations de défense des droits de l’Homme. Puis nous sommes allés en Bulgarie et avons effectué des recherches sur le terrain. Nous avons rencontré une avocate spécialisée dans les droits de l’Homme, qui nous a dit que notre scénario était en réalité une version édulcorée de ce qui se passe. Elle nous a parlé de la corruption, de la collaboration entre les trafiquants et la police des frontières, de la façon dont les migrants sont traités, utilisés comme des distributeurs automatiques de billets. (...)

Le film est né de la peur, de la colère, du dégoût de ce qui se passe sur le plan politique. Même les politiciens de gauche commencent à parler ce même langage [xénophobe], parce que le public a tellement changé qu’ils sentent qu’ils doivent utiliser le même langage. Je suis dans une position privilégiée, et pourtant je reçois toujours des commentaires racistes, subtils mais réels. Je me dis toujours : si cela m’arrive à moi, qu’arrivera-t-il à quelqu’un qui n’est pas dans ma situation privilégiée ? (...)