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Des plantes « bio-enrichies » brevetées ?
Article mis en ligne le 21 août 2018
dernière modification le 20 août 2018

La biofortification consiste à créer des variétés enrichies en micronutriments, essentiellement fer, zinc, provitamine A et iode [1]. Le programme public-privé leader de la biofortification, HarvestPlus, revendique une création variétale majoritairement non transgénique et versée dans le domaine public

Serait-ce pour mieux préparer l’opinion et baliser ainsi le chemin aux sociétés semencières privées, qui elles ne s’interdiront ni les OGM ni les brevets ?

Des biens publics ?

Des biens publics, vraiment ? Inf’OGM a voulu en savoir plus : « Toutes les variétés biofortifiées qui sont développées et mises sur le marché sont dans le domaine public, ce qui inclut les entreprises semencières privées, ainsi que toutes les entités publiques ou sans but lucratif qui peuvent aussi produire des semences pour les paysans. Ces compagnies semencières privées fournissent un service en multipliant les semences certifiées, qu’elles vendent aux paysans. L’entreprise semencière privée détermine le prix auquel elles vendent les semences – sauf s’il y a une régulation du gouvernement. Bien sûr, puisque ces variétés sont accessibles à tous, il y aura de la concurrence entre les entreprises semencières » a expliqué Howarth Bouis, directeur de HarvestPlus, à Inf’OGM. Mais n’a-t-il pas peur qu’une entreprise veuille breveter ses semences ? « Non, nous n’avons encore jamais rencontré ce cas. (...)

À supposer qu’une entreprise privée veuille (illégalement) s’assurer des droits exclusifs, elle devrait déposer une demande de brevet et rechercher à ce que les autorités empêchent les autres entreprises de vendre ces semences. Ça serait très difficile et coûteux, probablement cela n’en vaudrait même pas la peine » veut-il nous (se ?) rassurer. Au Nigéria par exemple, le manioc jaune enrichi en provitamine A a été distribué principalement par le secteur public, alors que le maïs orange, également enrichi en provitamine A, sera multiplié et distribué principalement par le secteur privé [3]… mais donc sans brevets.

Sans brevets, car HarvestPlus utilise pour le moment principalement des techniques de sélection conventionnelles « parce qu’[elles] ne font l’objet d’aucun obstacle réglementaire » (...)

Mais aussi beaucoup de brevets...
Même si Joe Tohme rappelait dans la foulée que le projet « a un fort engagement vis-à-vis de (…) la propriété intellectuelle », il n’en reste pas moins que la transgenèse, ou toute autre biotechnologie de transformation du vivant, est étroitement associée à la notion de brevets, qu’ils portent sur les procédés ou les produits issus de ces procédés [7].
Partie visible de l’iceberg : le fameux riz doré. Parfait symbole des bienfaits potentiels des OGM... des entreprises semencières privées et des partenariats public-privé : une Université publique (celle de Zurich, l’ETH), en partenariat avec un Centre international de recherche sur le riz (l’IRRI, aux Philippines), négocie avec une entreprise privée (Syngenta) pour que cette dernière lui permette d’utiliser gratuitement les brevets nécessaires pour mettre au point le riz doré. À l’époque, une étude [8] menée par une organisation probiotech, l’Isaaa, montre même que ce riz recèle potentiellement jusqu’à 70 brevets [9]. Qu’à cela ne tienne, dans un bel élan humanitaire, tous les détenteurs de brevets (Syngenta, mais aussi Bayer AG, Monsanto Co, Orynova BV, et Zeneca Mogen BV) accordent des licences gratuites au Golden Rice Humanitarian Board, entité créée pour gérer le riz doré. Et le font savoir sur le site du riz doré : « Syngenta Seeds AG a pu négocier l’accès à toutes les pièces du puzzle pour un usage humanitaire et fournir le Golden Rice Humanitarian Board avec le droit de sous-licencier la technologie aux établissements d’amélioration variétale dans les pays en voie de développement, gratuitement » [10].
Cerise sur le gâteau : Syngenta s’est engagée à ne pas faire payer de royalties sur les semences aux agriculteurs ayant un chiffre d’affaire annuel de moins de 10 000 dollars… Conclusion que doivent tirer tous les observateurs sensibles : « Les brevets sont des outils pour protéger les intérêts commerciaux et les investissements, mais comme le montre clairement l’exemple du riz doré, ils ne constituent pas un obstacle à l’utilisation et à la diffusion d’une technologie parmi les pauvres » [11].
Il faut s’appeler Greenpeace pour oser critiquer ce montage idyllique… et se faire ensuite accuser de crime contre l’humanité par une centaine de prix Nobel [12] !
Belle propagande donc, car au-delà du riz doré, n’y a-t-il aucune entreprise privée qui comptent tirer des bénéfices de la mise au point de variétés enrichies en micronutriments ? Un rapide tour d’horizon des projets de biofortification dans le monde nous montre que la philanthropie a ses limites.

La liste des plantes biofortifiées brevetées est longue (...)

Nestlé, par exemple, travaille sur des cultures biofortifiées comme le manioc, le mil, le riz et le maïs (en Côte d’Ivoire, à Madagascar, au Nigéria et au Sénégal) [14]. Difficile de croire que cette société, qui, selon un article [15] de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle, crée « l’avantage concurrentiel par la valorisation des droits de propriété intellectuelle”, n’en tire aucun avantage... (...)