
L’ancien archevêque du Cap, qui a œuvré de façon décisive à la fin de l’apartheid, est mort le 26 décembre à l’âge de 90 ans.
L’ancien archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, icône de la lutte contre l’apartheid et Prix Nobel de la paix en 1984, s’est éteint, dimanche 26 décembre, à l’âge de 90 ans, a annoncé le président sud-africain, Cyril Ramaphosa.
Le président exprime « au nom de tous les Sud-Africains, sa profonde tristesse suite au décès, ce dimanche » de cette figure essentielle de l’histoire sud-africaine, dans un communiqué. « Le décès de l’archevêque émérite Desmond Tutu est un nouveau chapitre de deuil dans l’adieu de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée », a ajouté le président. (...)
« Finalement, à l’âge de 90 ans, il s’est éteint paisiblement au Oasis Frail Care Centre au Cap ce matin », a déclaré Ramphela Mamphele, présidente par intérim de l’Archbishop Desmond Tutu IP Trust et coordinatrice du bureau de l’archevêque, s’exprimant au nom de la famille Tutu. Elle n’a pas donné de détails sur la cause du décès.
« The Arch », comme il était surnommé par les Sud-Africains, était affaibli depuis plusieurs mois. Il ne parlait plus en public mais saluait toujours les caméras présentes à chacun de ses déplacements, sourire ou regard malicieux, lors de son vaccin contre le Covid-19 dans un hôpital ou lors de l’office au Cap pour célébrer ses 90 ans en octobre. (...)
Desmond Mpilo Tutu est né le 7 octobre 1931 à Klerksdorp dans le Transvaal, à deux heures de Johannesburg, capitale économique de l’Afrique du Sud. Son père Zacheriah Zililo est instituteur et sa mère Aletta est cuisinière. La famille est pauvre. De toute sa vie, il gardera les traces d’une poliomyélite qu’il avait contractée dans son enfance.
Desmond Tutu suit sa scolarité au lycée Johannesburg Bantu qu’il quitte en 1950. Il est reçu dans une école médicale mais ne peut y poursuivre ses études faute de moyens financiers. Il reçoit une bourse d’études pour étudier les sciences de l’éducation au Pretoria Bantu Normal College, dont il en sort en 1953 avec un certificat d’enseignant.
Il s’installe dans un des quartiers de Soweto en 1975
En 1955, il épouse Nomalizo Leah Shenxane, une enseignante avec laquelle il aura quatre enfants. En 1957, il démissionne de son poste d’enseignant, protestant contre l’affaiblissement et la dégradation du niveau d’éducation des Noirs après l’entrée en vigueur du Bantu Education Act de 1953, dont un des points majeurs était de faire respecter le principe d’établissements d’enseignement séparés racialement. Il se tourne alors vers des études religieuses et, en 1961, il est ordonné prêtre anglican. Il se rend un an plus tard au King’s College de Londres pour approfondir ses études théologiques et obtient une maîtrise en théologie en 1966. Il retourne en 1967 en Afrique du Sud où il travaille comme enseignant en théologie. (...)
En 1975, il est le premier Noir à occuper le poste de doyen du diocèse de Johannesburg, officiant à la cathédrale anglicane St. Mary. Il refuse un logement de fonction luxueux lié à ce poste prestigieux et s’installe dans un des quartiers de Soweto, le ghetto des Noirs, où éclatent, en 1976, de sanglantes émeutes. Sa nouvelle fonction est pour lui une plate-forme idéale et respectée pour défendre les droits des populations noires et dénoncer le régime ségrégationniste et inégalitaire de l’apartheid. (...)
Il devient la voix du militant anti-apartheid Nelson Mandela incarcéré, qu’il n’a jamais rencontré en prison mais dont il partage les fortes convictions. Il plaide pour une action ferme mais non violente. C’est cette détermination pacifique au service d’une juste cause qui lui vaut de recevoir en 1984 le prix Nobel de la paix. (...)
En 1986, il est nommé au plus haut poste de l’église anglicane d’Afrique du Sud, en devenant archevêque de la ville du Cap. En 1987, il devient président de la conférence de toutes les églises du pays, poste qu’il occupera jusqu’en 1996. Grâce à sa popularité et son aura en Afrique du Sud, mais aussi par sa reconnaissance internationale, il joue un rôle déterminant dans la fin de l’apartheid. Le 11 février 1990, Nelson Mandela est enfin libéré après une détention de vingt-sept ans et devient, en 1994, le premier président noir du pays. (...)
Il nomme alors Tutu à la tête de la commission Vérité et réconciliation qui se met en place à partir de 1995 et qui est chargée d’enquêter sur les violations des droits humains pendant l’apartheid. En trois ans d’enquête, 30 000 personnes sont entendues. Mais Tutu, inspiré par sa foi profonde, prêche le pardon et les coupables sont amnistiés. Un rapport final est remis fin 1998 en ce sens. (...)
Après sa renonciation à la fonction archiépiscopale, il poursuit son engagement en faveur de la vérité, de la justice, dénonçant la corruption politique en Afrique du Sud ou les ventes d’armes du pays et, au plan international, critiquant, par exemple, les violations des droits de l’homme du régime Mugabe au Zimbabwe. Il annonce en 2010 son retrait de la vie publique. Pourtant, il participe encore à de nombreuses actions internationales (...)
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"Mpilo" – son nom africain, qui signifie "vie" – était d’une vitalité débordante. Il pouvait autant s’enflammer lors de ses sermons contre le régime d’apartheid qu’utiliser son sens de l’humour et son talent d’acteur pour faire plier de rire son auditoire. En parlant de son cancer de la prostate, en 2006, il expliquait ainsi au Sunday Times que "son traitement vise à le geler pour l’éliminer. Mais il ne gèle pas tout autour car je veux célébrer mes noces d’or avec style !". (...)
Du haut de ses chaires, il dénonce le régime d’apartheid "parfois de manière abrupte", comme il le dira plus tard. Il reçoit des menaces de mort, son passeport est confisqué mais sa robe pastorale et sa renommée croissante le protègent du pire. "Ils peuvent tout essayer mais rien ne me fera taire !", lance-t-il vibrant, lors d’un sermon à la cathédrale de Johannesburg.
De nombreux Blancs, même progressistes, apprécient peu ses appels à des sanctions internationales. Dénoncé comme "ennemi public numéro 1" par le président Pieter Willem Botha, il confiera dans une interview au Mail and Guardian : "J’ai beaucoup souffert d’être considéré comme un ogre par les Blancs". (...)
Afrique du Sud. La mort de Desmond Tutu
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« Si vous ne vous occupez pas du passé, il vous rattrape vite. » C’est une des premières choses que nous avait dites Desmond Tutu, alors archevêque, lorsque nous l’avions rencontré au Cap, en Afrique du Sud. C’était en 1996, devant la cathédrale Saint-George, où il a longtemps prêché. Des relents d’apartheid empestaient encore les rues, de Johannesburg à Durban, du Cap à Polokwane.
Cet homme d’Église, prix Nobel de la paix en 1984 pour son combat contre le régime raciste, est celui qui avait inventé la belle idée de « nation arc-en-ciel » pour caractériser la nouvelle Afrique du Sud démocratique et non raciale. Il avait présidé la commission Vérité et Réconciliation, à la demande de Nelson Mandela, instrument majeur du pardon et de la reconstruction politique. Ce qui ne l’a pas empêché, par la suite, d’émettre les plus vives critiques contre certains dirigeants de l’ANC. (...)
"Si vous êtes neutres, c'est que vous avez choisi le camp de l'agresseur", cette citation de Tutu résume très bien sa vie de révolutionnaire en soutane.
RIP
(Fallait bien compenser Rabhi et Bouvet)https://t.co/WmlP6PYIDI— Robin Drevet (@DrevetRobin) December 26, 2021