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Dette, néolibéralisme et classes sociales
Article mis en ligne le 15 août 2014
dernière modification le 10 août 2014

Une des forces de l’argument du remboursement de la dette publique est l’apparente neutralité de la mesure. Rembourser la dette n’est qu’une question comptable dépourvue de tout agenda caché. « Il nous faut rembourser la dette car un État ne peut vivre au delà de ses moyens ». Imparable comme position. Pourtant, en creusant un peu, il est clair que l’analyse comptable permet d’occulter une vision en termes de classe, pourtant au cœur de la gestion de la dette telle qu’elle se fait depuis plusieurs décennies.

Si l’utilisation de la dette comme moyen de domination n’est pas neuve |1|, les années 70 et le ralentissement de l’économie dans les pays du premier monde vont voir l’argument du remboursement de la dette être utilisé par les grandes puissances, avec un double objectif rapidement atteint : la mainmise sur les territoires nouvellement indépendants (le tiers monde) et la restauration du pouvoir de classe dans les économies dites du premier monde. Cet élément marque en quelque sorte les débuts d’une époque qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui.

New-York, nous voici !

Si l’on évoque fréquemment la crise de la dette des pays du Sud au début des années 80, c’est pourtant à New York que va débuter un processus de dépossession des classes populaires via la dette. (...)

Etape suivante : le tiers monde

Après New-York, c’est le Mexique qui aura le triste privilège d’ouvrir le bal de l’austérité.

L’explosion des taux d’intérêt décidée unilatéralement par les Etats-Unis, appliquée conjointement à la chute des prix des produits d’exportation du pays vont conduire le gouvernement mexicain dans l’incapacité à honorer ses dettes.

La méthode newyorkaise va dès lors être appliquée par le FMI et la Banque mondiale |5|. En plus des coupes budgétaires, ces derniers imposeront également des mesures structurelles telles que la réduction des barrières douanières, des privatisations massives et davantage de flexibilité du marché du travail |6|.

Les conséquences seront doubles et augureront la nouvelle ère néolibérale : précarisation massive de la population mexicaine (entraînant une hausse de l’emploi informel, de la criminalité, de l’insécurité alimentaire, …) et enrichissement d’une « élite » étrangère (banques créancières, entreprises américaines) et nationale (24 milliardaires sont apparus suite aux différentes réformes imposées à l’économie mexicaine, dont Carlos Slim, un temps l’homme le plus riche de la planète) |7|. (...)

Une gestion de la dette au service du 1 %

Ce qu’il faut comprendre, et c’est ce qu’Harvey démontre de façon magistrale, c’est que le néolibéralisme n’est en réalité rien d’autre qu’une coquille idéologique dissimulant la réaffirmation d’un pouvoir de classe |11|. Ainsi, « la principale réussite de la néolibéralisation réside dans la redistribution, et non dans la création, de richesses et de revenus » (...)

Crises et technocrates

Par ailleurs, la crise sert souvent de prétexte à l’imposition de mesures impopulaires. Naomi Klein a décrit ce phénomène sous le nom de stratégie du choc : en résumé, cela consiste à profiter du désarroi d’une population face à un évènement brutal pour imposer des mesures qu’il serait difficile, voire impossible de faire passer en temps normal. De nouveau, la crise de la dette, dans le tiers monde ou en Europe, illustre parfaitement ce phénomène. (...)

il est clair que nous sommes face à un nouveau processus d’accaparement des richesses par une minorité |21|. Tous les néolibéraux ne sont évidemment pas des êtres perfides et dépourvus d’état d’âme. Nombre d’entre eux sont sans doute de bonne volonté mais baignent dans un ensemble de croyances et de mythes |22| associés – souvent à tort – à l’idéal libéral ou capitaliste. Malgré ça, il existe bel et bien une élite, financière, politique, entrepreneuriale, qui bénéficie des mesures néolibérales imposées la plupart du temps de façon non démocratique. Reconnaître cet état de fait doit nous conduire à dénoncer et à lutter contre la dette illégitime et les plans d’austérité.