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Disparition des insectes : une catastrophe silencieuse
Article mis en ligne le 15 septembre 2014
dernière modification le 6 septembre 2014

Pour François Ramade, professeur émérite d’écologie à l’université de Paris-Sud, les insecticides modernes, notamment les néonicotinoïdes, causent une « catastrophe écologique ». Et, selon lui, « la réponse des pouvoirs publics des pays développés et des institutions multilatérales est absente ou dérisoire ».

Les personnes de plus de quarante ans se souviennent des pare-brises, phares et calandres de voiture constellés de cadavres d’insectes. La propreté des voitures actuelles est le signe d’une disparition massive d’insectes qui doit nous alarmer.

L’agriculture moderne a permis, par l’usage massif d’« intrants », une augmentation considérable de la productivité des cultures. Elle atteint depuis quelques décennies des limites dues à l’impact environnemental de ses pratiques. En effet, l’accroissement de productivité qu’elle a permis n’est pas dû à une révolution biologique dans le contrôle de la photosynthèse, mais à un recours sans cesse accru aux engrais chimiques et aux pesticides, dont les conséquences écologiques néfastes sont connues.

Dès les années 60, la naturaliste américaine Rachel Carson décrivait dans son best-seller Silent Spring, la lente éradication des peuplements d’oiseaux par l’usage irréfléchi du DDT et d’autres insecticides organochlorés.

Adieu abeilles, papillons, oiseaux

Un danger plus redoutable nous menace avec l’usage des insecticides néonicotinoïdes, dont la molécule dérive de celle de la nicotine. Cette dernière, cause de l’addiction des fumeurs de tabac, est aussi un très puissant insecticide utilisé entre les deux guerres mondiales. Au début des années 90, les chimistes ont mis au point de nouvelles molécules dont l’imidaclopride, la clothianidine ou le thiamethoxam aussi insecticides que la nicotine, mais d’une plus grande stabilité moléculaire.

Elles ont aussi pour « avantage » d’être « systémiques » : elles passent directement du sol dans les plantes par absorption radiculaire et pénètrent via la sève jusqu’à l’extrémité des pousses des feuilles et des fleurs. Elles se maintiennent au-delà de deux ans dans les sols, de sorte que, plusieurs saisons après l’épandage, d’autres plantes seront contaminées.

Ces insecticides sont à l’origine du déclin des pollinisateurs dont les abeilles mais, au-delà, de l’ensemble des insectes et donc de la plupart des oiseaux, majoritairement insectivores. Il faut savoir qu’en sus des abeilles, la pollinisation des plantes cultivées est assurée majoritairement (à près de 80 %) par d’autres insectes, surtout des hyménoptères dits apoïdes.

Certains d’entre eux sont sociaux, tels les bourdons, mais la plupart de ces bienfaiteurs de l’humanité sont solitaires. Depuis l’introduction des néonicotinoïdes en 1995, on observe un effondrement du nombre d’abeilles et une dégénérescence des ruches. En France, le nombre de ruches a chuté de deux millions en 1996 à 600 000 aujourd’hui. (...)

Un groupe international d’experts s’est créé en 2009, à l’initiative de Maarten Bijleveld, ancien secrétaire scientifique de la commission écologie de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Il a rassemblé les preuves scientifiques justifiant cette interdiction et milite auprès des pouvoirs publics européens et des institutions internationales pour l’obtenir.

Où sont les politiques en charge de notre avenir ?