
Un reporter radio en fin de carrière décide d’enquêter, micro en main, sur les entorses au droit du travail commises dans une grosse entreprise de nettoyage. Pas facile quand personne ne souhaite financer ou diffuser son reportage. Il en faudrait bien plus pour décourager Michel, prêt à tout pour atteindre son objectif, sauf à baisser les bras. Goliath peut trembler, David a remplacé sa fronde par un enregistreur.
(...) Depuis bien des années, Pierre Maurel va puiser dans les recoins de nos sociétés la matière dont il alimente ses fictions. Si son trait noir a beaucoup évolué depuis ses premiers projets, soignant toujours plus ses décors, ses personnages et les détails au fond des cases, on peut surtout admirer la façon très personnelle dont l’auteur s’empare des questions sociales. Là où d’autres s’intéressent à l’engagement ou à la lutte ouvrière de façon classique et frontale, Maurel a le don pour traiter ces sujets sous des jours nouveaux, n’hésitant pas à mélanger les genres les plus populaires à la critique sociale. (...)
Main d’oeuvre à "beau marcher"...
Avec Michel, les temps modernes, Pierre Maurel parvient une fois encore, en décentrant légèrement le point de vue, à aborder une question de société, celle de l’exploitation de la main d’œuvre illégale en France. Le personnage central de son album n’est pas un inconnu, il était déjà apparu dans un premier album Michel, en 2006 (déjà publié à l’Employé du Moi) : c’est un preneur de son passionné.
Nous le trouvons ici cette fois, plus vieux et bedonnant, en prise avec un reportage embarrassant pour les chaînes radio. (...)
Dessiner le son
Dès la première apparition de Michel, une évidence sautait aux yeux : donner à voir le son en BD est une tâche qui semblerait a priori absurde et à laquelle Maurel rend son sens. Ce que le lecteur n’entend pas, il l’imagine d’autant mieux. Il suffit que l’ingé son tende son micro pour que le lecteur ait la puce (et le son) à l’oreille et que son imaginaire fasse le reste. Un gazouillis d’oiseau, le vacarme d’un marteau-piqueur, le roulement des machines à laver... Pas besoin de bande-son quand on a le nez sur l’image ! (...)
Maurel parvient à faire rire le lecteur, à rendre son personnage tour à tour grotesque et touchant, sans rien enlever à la pertinence de son propos. Une belle réussite. (...)