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Jean-Marie Harribey, pour Alternatives Economiques
Du chômage partiel, de la RTT et de la résurrection de la « valeur travail »
Article mis en ligne le 28 janvier 2012
dernière modification le 25 janvier 2012

La présidence de Nicolas Sarkozy avait mal commencé : un forfait en bafouant le résultat du référendum sur le projet de traité constitutionnel européen, et une imposture en promettant le « travailler plus pour gagner plus » et ainsi la fin du chômage. Cinq ans après, toutes les structures de la finance qui ont causé la crise ont été maintenues, alors qu’on nous jurait de ramener le capitalisme à la raison, et, pour lutter contre le chômage, on invente le chômage partiel. Comment les forces politiques et citoyennes qui lui étaient opposées ont-elles pu laisser le président gouverner grâce à une communication par antiphrases ?

(...) ” La confusion est sciemment entretenue dans le public entre la durée individuelle du travail de ceux qui ont un emploi et le nombre total d’heures travaillées qui dépend certes de la durée individuelle mais aussi du nombre de travailleurs ayant un emploi. Si le nombre total d’heures travaillées est faible, ce n’est pas à cause de la soi-disante trop faible durée individuelle du travail, c’est à cause du nombre d’emplois offerts insuffisant. Voilà l’origine de la faiblesse, en France, du taux d’emploi de la population en âge de travailler. Ce serait pire encore si la durée individuelle de travail augmentait pour une même production car le nombre d’emplois diminuerait. (...)

Qui n’a pas entendu mille fois que la protection sociale pesait trop sur le travail ? À un point de saturation tel que tout le monde en oublie qu’il ne peut en être autrement, puisque toute valeur économique provient du travail. Et personne ne s’arrête un instant sur la distinction à établir entre la source de tout prélèvement (la valeur ajoutée par le travail) et l’assiette de son calcul qui peut varier beaucoup entre la masse salariale, toute la valeur ajoutée (donc incluant les profits en sus des salaires), ou bien, après répartition primaire, tous les revenus du travail et du capital ou une partie d’entre eux, etc. Si la source première est toujours la même – le travail – et si le paiement final est toujours acquitté à travers les prix des biens et services, l’effort est réparti différemment selon l’assiette retenue. C’est incompréhensible à droite, ça l’est presque autant à gauche.

Tous les néolibéraux invoquent le retour à la croissance, et font semblant d’ignorer qu’ils ne l’obtiendront pas par l’austérité.
(...)

Le désarroi intellectuel a atteint son comble ces jours derniers avec la publication de l’enquête sur le travail réalisée auprès de 7000 auditeurs de Radio France. France Inter (23 janvier) et Le Monde (24 janvier) ont invité la sociologue Dominique Méda, membre de l’équipe de chercheurs ayant conduit l’enquête, à présenter les résultats de celle-ci. Elle explique que les catégories de cadres, de professions intellectuelles et de professions intermédiaires que l’on avait cru jusque-là relativement satisfaites de leur travail et préservées de la dégradation ambiante des conditions de travail expriment une profonde lassitude devant les nouvelles méthodes de management et les exigences de rentabilité. La grande majorité des personnes interrogées disent leur regret de ne pas trouver d’épanouissement dans leur travail. (...)

La crise mondiale actuelle est la preuve par A + B que le capitalisme ne peut pas envisager une accumulation infinie car l’exploitation du travail et celle de la nature ont des limites. Il s’ensuit que la remise en cause des structures du capitalisme, à commencer par sa finance, ne pourra pas se faire sans une critique radicale de tous les poncifs que l’on nous avait suggérés, susurrés et imposés, nous plongeant dans un désarroi intellectuel totalement désarmant face à l’adversaire.

La valeur travail est ressuscitée. Bonne nouvelle ? Elle n’avait pas été vraiment enterrée. Elle sommeillait. Puissent ceux qui la portent par leur activité se réveiller, tout en contestant les finalités aujourd’hui assignées à ce travail, de telle sorte qu’ils puissent s’épanouir dans toutes les dimensions de leur vie.

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