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ENQUETE FRANCEINFO. "Pas de halal chez nous" : quand avoir un nom maghrébin empêche de louer sur Airbnb, Abritel ou Le Bon Coin
Article mis en ligne le 15 août 2018

Plusieurs utilisateurs d’Airbnb, Abritel et Le Bon Coin estiment que leurs demandes de location ont été rejetées en raison de leur nom. Ils témoignent.

"Souvent, il est difficile de prouver qu’on est victime de racisme. Mais quand on pousse un peu, il suffit de revenir sur l’annonce le lendemain et on peut voir les dates que j’avais sélectionnées auparavant qui sont de nouveau disponibles", constate le jeune homme.

Afin de vérifier s’il a été victime de discrimination, il demande à une amie, dont le nom n’a pas de consonance étrangère, d’effectuer une demande de réservation identique. "Elle a reçu une réponse dans la demi-heure avec confirmation que c’était bien disponible, indique Merwane Mehadji, à franceinfo. (...)

Quelques jours après cette mésaventure, Merwane Mehadji a décidé de publier son coup de gueule sur Twitter. De quoi faire réagir les entreprises concernées. "Il s’agissait simplement d’un problème d’ordre technique", plaide Abritel auprès de franceinfo. Et la plateforme de réservation d’assurer qu’"aucune action judiciaire à l’encontre d’Abritel n’a été engagée pour des cas liés à de la discrimination." "Nous avons pris un certain nombre de mesures pour lutter proactivement contre ce genre de comportements odieux", assure de son côté Airbnb, qui met régulièrement en avant sa lutte contre la discrimination.

Mais les plateformes ne sont pas les seules à réagir à cet incident. Rapidement, d’autres utilisateurs de sites de location entre particuliers ont aussi partagé leurs expériences. Et plusieurs rapportent des situations similaires. (...)

En octobre 2017, déjà, l’humoriste Jhon Rachid, de son vrai nom Mohamed Ketfi, reprochait à Airbnb de cautionner le "filtrage ethnique". "Bon voilà j’ai jamais réussi à louer un seul appart sur Airbnb et j’ai essayé dix fois, expliquait-il sur Facebook. Loin de moi l’idée que c’est à cause de mon appartenance ethnique, mais quand même... et la seule fois où j’ai réussi à avoir un appartement c’est en le faisant louer par des amis avec un nom plus... euhh... doux."(...)

La discrimination peut aussi être beaucoup plus explicite. C’était le cas sur une annonce de location d’une maison près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) sur Airbnb. Les hôtes avaient indiqué "Pas de halal chez nous" dans les remarques aux voyageurs. "J’ai dû échanger un grand nombre de fois avec Airbnb pour leur faire comprendre que cette annonce était inadmissible, rapporte Pierre, qui avait fait cette découverte il y a deux ans, alors qu’il cherchait une maison de vacances. Le seul résultat obtenu, ce fut une suppression de la phrase raciste, mais pas de l’annonce."(...)

"La discrimination existe, que ce soit pour des locations longues ou de vacances", assure l’avocat Grégoire Hervet à franceinfo. Et celle-ci est une infraction pénale. L’article 225-1 du Code Pénal prévoit que toute "distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, (...) de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée" est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Le Défenseur des droits comme recours
Plusieurs utilisateurs de ces plateformes réfléchissent d’ailleurs à saisir la justice et plaident pour la mise en place d’un testing. Ce moyen d’investigation en situation réelle est notamment utilisé par le Défenseur des droits. (...)

"Le Défenseur des droits est l’autorité naturelle pour traiter ces requêtes, abonde l’avocat Grégoire Hervet, à franceinfo. Les personnes concernées peuvent le saisir directement sur le site internet, puis le Défenseur des droits peut ouvrir une enquête et rendre une décision avec une transaction pénale."

L’autorité a d’ailleurs rendu un rapport sur les discriminations dans l’accès au logement en général. (...)

D’autres recours sont aussi possibles. "On peut déposer une plainte pénale auprès du procureur de la République, indique Bertrand Patrigeon, avocat spécialisé dans la lutte contre la discrimination, à franceinfo. La règle numéro un en droit pénal, c’est la preuve. Donc si des personnes ont fait un test avec un autre nom, cet élément peut être apporté comme preuve."

"Porter plainte c’est très bien, mais c’est assez symbolique, prévient tout de même Grégoire Hervet. Car la personne devra prouver l’intention de l’auteur et c’est très compliqué."(...)

Pour le moment, aucune condamnation pour discrimination n’a été rendue concernant des locations entre particuliers via ces plateformes. Mais la mobilisation des personnes qui affirment avoir été discriminées pourrait changer la donne.