
Bande-annonce : « Et si montrer des solutions, raconter une histoire qui fait du bien, était la meilleure façon de résoudre les crises écologiques, économiques et sociales qui traversent nos pays ? » C’est tellement beau qu’on pourrait y voir la plume de Nicolas Hulot à son arrivée au ministère de l’écologie. En fait, c’est le scénario du film Demain réalisé en 2015 par Cyril Dion et Mélanie Laurent. Ce film a permis à l’entreprise Pocheco de gagner en notoriété et d’être mise en scène dans tous les médias comme un modèle d’entreprise « responsable, écologique et citoyenne ». Ce qui est ennuyeux, c’est que précisément, on nous raconte des histoires...
Garantie « fait mains » menottées
Le point de départ de ce reportage est un mail2 dans lequel on nous signale, preuves à l’appui, que Pocheco fait travailler des détenus de la maison d’arrêt de Douai. Cette activité est mentionnée dans un rapport du Réseau Alliance - entrepreneurs de croissance responsable en Hauts-de-France, en tant que contribution à l’insertion sociale des détenus par le travail. Sauf que, hormis ce rapport, difficile de trouver mention de cette main-d’œuvre bon marché dans la communication officielle. Les produits fabriqués derrière les barreaux apparaissent dans le catalogue Pocheco sous le titre « atelier de façonnage à la main », malicieusement appelé : « Oh, les mains ». Petit clin d’œil à ces dizaines de prisonniers – entre 80 et 120 – payés en moyenne 1,50 € de l’heure3. On est très loin de l’écart de salaire de un à quatre vanté partout. Une telle cachotterie, pour une boîte si vertueuse, nous a donné envie d’en savoir plus. Un cadre de l’entreprise, expert en développement durable, nous confie : « On a tellement envie qu’une boîte aussi vertueuse existe, qu’on lui sert la soupe à longueur de pages tout en fermant les yeux sur ce qui s’y passe véritablement ». Et de poursuivre : « Derrière la vitrine de l’écologie, E. Druon fait complètement fi des problématiques sociales ». On est donc allés tirer la corde sociale de l’entreprise, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on n’a pas été déçus du voyage.
Management par la peur
Les salarié.es contacté.es, licencié.es ou toujours en poste, sont tantôt terrorisé.es de se livrer à des journalistes par crainte de représailles, tantôt angoissé.es à l’idée de se-replonger dans cette période de leur vie. Premier constat surprenant, à l’opposé de l’ambiance de travail que nous vend E. Druon dans son ouvrage, Écolonomie : entreprendre sans détruire (2016) (...)