
Selon Joanne Liu, directrice de Médecins sans frontières, « le monde est en train de perdre la bataille » face à « la pire épidémie d’Ebola de l’Histoire » depuis sa première apparition en 1976 |2| . Elle dénonce également que « les États ont rallié une sorte de coalition mondiale de l’inaction ».
(...) À ce jour, il n’existe pas de traitement ni de vaccin contre ce virus. Les seuls traitements visent à soulager les symptômes et aider l’organisme à combattre le virus. Pour MSF « le seul moyen de stopper la propagation est de mettre en place des centres d’isolement et de traitement pour les patients contagieux ». Or, le nombre de ces structures est largement insuffisant et, quand elles existent, leur capacité est limitée. MSF gère cinq centre dans les zones touchées en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone et souligne également que « les systèmes sanitaires sont débordés et défaillants : les centres de santé ne sont pas adaptés pour répondre à une telle crise ». Le personnel soignant est quant à lui extrêmement exposé, puisque 10 % succombent à l’épidémie. Le 2 septembre dernier les infirmier-e-s du plus grand hôpital de Monrovia, capitale du Liberia, se sont mis en grève pour obtenir des combinaisons de protection individuelle.
Quand la pauvreté est au cœur de l’épidémie
Est-ce un hasard si cette épidémie sévit dans des pays qui sont parmi les plus pauvres de la planète ? (...)
L’absence - ou dans le meilleur des cas la défaillance - des systèmes de santé est la conséquence directe des coupes franches dans les budgets sociaux, du gel des salaires et des licenciements dans la fonction publique imposés par les Institutions financières internationales pour rembourser la dette. (...)
En effet, si les services de santé et d’assainissement (infrastructures d’égouts, de traitement des eaux, etc.) de ces pays n’avaient pas été entièrement démantelés par les divers plans d’ajustement structurel (PAS) imposés par le FMI et la Banque mondiale, le risque épidémique aurait été bien plus faible ou plus facilement contrôlable. Comme le souligne le Dr Jean-Claude Manuguerra, responsable de la Cellule d’intervention biologique d’urgence de l’Institut Pasteur, Ebola « profite pour se développer d’un système de santé mal organisé par manque de moyens » (...)
Le désintérêt de la communauté internationale ainsi que des laboratoires pharmaceutiques quant aux maladies de ces régions ont favorisé la propagation du virus. Depuis le premier cas, en 1976, 40 ans n’ont quasiment pas servi à la recherche, pour cause de non rentabilité et de non solvabilité. Aujourd’hui ces mêmes laboratoires se font concurrence pour trouver rapidement un vaccin. Dès lors que les millions de dollars d’aide sont annoncés, la recherche s’accélère.
Les laboratoires étatsuniens semblent plus avancés. « L’explication ? Outre-Atlantique, les virus dangereux sont considérés comme des armes de guerre, et une -menace très concrète pour les soldats américains postés dans les régions " à risque ". » |9|
Si les mesures adéquates avaient été prises dès les premiers cas de cette flambée (décembre 2013) la situation ne serait pas actuellement aussi dramatique. (...)
« Le problème, c’est qu’Ebola n’intéresse absolument pas l’industrie pharmaceutique parce qu’il concerne des pays pauvres et pas solvables. Il n’y a aucun marché et donc pas d’évolution », explique le scientifique, « Il faudrait une volonté très forte des gouvernements et de l’OMS pour forcer l’industrie pharmaceutique à développer à perte ce genre de vaccin » |10| .
Quand la finance s’inquiète pour ses profits... (...)
Quand la dette tue
Ces pays ont subi pendant des décennies le poids énorme de la dette et les conditionnalités imposées par les créanciers. Après avoir créé les conditions du pillage, des privatisations, de la casse des services publics, la Banque mondiale pousse un cri d’alarme. Ces politiques imposées aux pays du Sud depuis plus de 30 ans ont une part de responsabilité non négligeable dans la catastrophe humanitaire actuelle.
D’autre part, la gestion de la crise actuelle crée la catastrophe de demain, car " l’aide " apportée par la Banque mondiale va gonfler la dette de ces pays qui devront continuer d’appliquer ces mêmes recettes... (...)