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Écologie des pauvres, écologie des riches : quand les inégalités sont aussi environnementales
Article mis en ligne le 17 juin 2014
dernière modification le 12 juin 2014

Les catastrophes naturelles et pollutions industrielles ne frappent pas de la même manière toutes les populations. Au contraire.

« Si vous voulez savoir où un stock de déchets a le plus de chances d’être enfoui, demandez-vous où vivent les Noirs, les Hispaniques, les Amérindiens et autres minorités raciales », interpelle le sociologue Razmig Keucheyan dans son dernier ouvrage La nature est un champ de bataille. Saturnisme, mal-logement, précarité énergétique… Autant de facettes d’un « racisme environnemental » qu’il propose de combattre. En s’attaquant aux racines du capitalisme. (...)

Razmig Keucheyan [1] : Les inégalités sont classiquement associées à trois dimensions : les inégalités de classes, de genres (inégalités entre hommes et femmes) et ethno-raciales. Je propose d’en ajouter une quatrième, la dimension environnementale. On ne subit pas les effets de la crise environnementale de la même manière, selon la classe sociale, le genre ou la minorité ethno-raciale à laquelle on appartient. Or le discours écologique dominant décrit souvent la question écologique comme étant vécue uniformément par la population mondiale. La notion d’« inégalités écologiques » permet de montrer que les différentes catégories de population ne sont pas égales face au changement climatique par exemple.

Une des facettes de ces inégalités, c’est le « racisme environnemental »... (...)

Le concept de racisme environnemental permet de penser ensemble discriminations racistes et questions environnementales.
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Une étude statistique de 2012 sur la justice spatiale en France révèle également que si la population étrangère d’une ville augmente de 1 %, il y a 29 % de chances en plus pour qu’un incinérateur à déchets, émetteur de différents types de pollutions comme les dioxines [3], soit installé. Les incinérateurs ont donc tendance à se trouver à proximité de quartiers populaires ou d’immigration récente, car les populations qui s’y trouvent ont une capacité moindre à se défendre face à l’installation par les autorités de ce genre de nuisances environnementales. Ou parce que les autorités préfèrent préserver les catégories aisées ou blanches de ces nuisances.
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Le cas de la Grèce montre aussi comment une crise économique peut se transformer en crise écologique. Là-bas comme ailleurs, se chauffer au fioul coûte beaucoup plus cher que de se chauffer au bois. La crise économique a accéléré les coupes illégales en Grèce et la déforestation. Dans le même temps, les licenciements des gardes forestiers du fait des mesures d’austérité ont accéléré indirectement la déforestation. Crise économique et crise écologique sont une seule et même crise.

Certains estiment que les pauvres polluent beaucoup plus que les riches, en particulier du fait du poids démographique des pays les plus pauvres. Que répondez-vous à cela ?

Ce que j’appellerai « écologie de droite » repose sur deux piliers. D’une part, la confiance dans les mécanismes de marché pour régler le problème du réchauffement climatique (marchés carbone, de produits financiers comme les obligations catastrophe ou les dérivés climatiques...), et d’autre part l’obsession pour la démographie. « L’écologie de gauche » devrait être extrêmement critique vis-à-vis de tous les arguments démographiques. Il faut admettre que des populations qui sont en situation de survie, notamment dans les pays du Sud, peuvent engendrer des dévastations écologiques. Dès lors que la survie de populations est en jeu, la question environnementale est secondaire. Développement et écologie sont intimement mêlés. Mais il existe par ailleurs des travaux qui montrent que l’empreinte écologique des populations les plus riches est bien supérieure, du fait de leur consommation, à celle des populations pauvres. La question n’est pas démographique mais relève de la dynamique du système. La crise environnementale est liée au capitalisme et aux inégalités qu’il génère. (...)