
Semences locales et biodiversité, agriculture biologique, permaculture et agroécologie, réseaux de producteurs-consommateurs, jardins urbains autogérés et cuisines collectives : les Grecs s’approprient leur agriculture et leur alimentation !
C’est dans un contexte difficile pour les agriculteurs et les consommateurs [1] que naissent ou se consolident des initiatives pour former et informer sur d’autres modes de production agricoles, plus écologiques mais aussi plus économes. D’une manière générale, ces initiatives visent une population plutôt jeune qui cherche à la fois un échappatoire économique et un projet de vie.
Depuis quelque temps, il semblerait qu’on assiste à un retour à la terre, et même s’il ne s’agit pas d’un phénomène social de masse (40 000 agriculteurs de plus pendant la période 2009-2010), une aspiration à un rapprochement à la vie agricole et rurale semble s’ancrer dans une majorité de la population (sondage Kappa Research, 70% des sondés désirent s’installer à la campagne). (...) (...)
Ces initiatives en termes de mode de production allient les aspects écologiques (agriculture biologique, permaculture, etc.) aux avantages économiques d’un changement de techniques de culture et d’élevage, argument non négligeable dans le contexte actuel de crise. Ces formes d’agriculture apportent des premières réponses aux agriculteurs qui voient leur système économique s’effondrer : moindres investissements, auto-production de l’alimentation, économies d’énergie, petite échelle de production et bénéfices des apports des agro-écosystèmes.
En somme, ce qui s’adressait à quelques écologistes convaincus dans la phase précédente peut aussi bien intéresser les nouveaux arrivants des villes que les agriculteurs déjà installés qui se posent la question de comment sortir du cercle infernal dans lequel ils se trouvent (endettement, manque de débouchés pour leurs productions, saturation des possibilités naturelles de production).
Evidemment, la réponse ne se situe pas uniquement sur le plan individuel mais aussi à un niveau plus politique, puisqu’il s’agit également de changer de politiques agricoles (notamment pour soutenir les petites fermes, comme le demande la gauche paysanne grecque). (...)
Le fameux désormais dénommé « mouvement des patates » a révélé un véritable besoin de la société grecque. Il a aussi mis en avant un certain nombre d’initiatives qui visent à rapprocher les consommateurs des producteurs. Quiconque se rend au supermarché en Grèce, et même dans une épicerie ordinaire s’étonne du manque de produits locaux : par exemple, les oranges proviennent souvent d’Espagne alors que la Grèce en est productrice.
En comparant avec les multiples expériences françaises (AMAP, points de vente collectifs, paniers paysans, marchés de producteurs), la Grèce a été en retard sur tout ce qui est « circuit court ». Mais la crise a remis les pendules à l’heure : comment se fait-il que les producteurs gagnent si peu quand les consommateurs payent si cher ?
La logistique a été organisée d’abord par des groupes de volontaires, souvent de militants écologistes, des citoyens actifs comme on dit en Grèce. Cet effort continue actuellement et est souvent géré par les mairies qui recensent les commandes y compris dans les quartiers très peuplés d’Athènes. Le mouvement des patates a donc pris une certaine ampleur et tente, tant bien que mal, de relever le défi de l’approvisionnement de certains quartiers urbains. (...)
Des aliments de toutes sortes échappent ainsi aux intermédiaires : patates bien sûr, légumineuses, riz, huile, fruits et légumes ou miel et même dans certains cas, des produits frais ou transformés (...)
Mais les Grecs ne se contentent pas de se rapprocher des producteurs, ils cultivent et occupent aussi des terrains et des bâtiments en friches (comme celui du jardin botanique), des parkings (parkingparko), l’ancien aéroport d’Elliniko (agroselliniko), des terrains militaires (perka)… (...)
La culture, le jardinage, l’autonomie alimentaire et la réappropriation de ces aspects de la vie vont de pair avec un projet politique radical. Assemblées générales, démocratie directe, remise en cause écologique et sociale du système économique actuel : ces initiatives traduisent un renouveau réel du mouvement social et écologiste grec sur un fond autogestionnaire indéniable.
Les occupations participent aussi à la construction d’un rapport de force plus global (...)