
(...) Un groupe de personnes engagées dans le mouvement NoTav s’est réuni en août 2014, pour réfléchir à la manière dont la pensée écologiste trouvait aujourd’hui sa place dans le mouvement. « Une écologie critique, certes, d’un progrès irraisonné, mais surtout une écologie porteuse de projets et d’alternatives. »
(...) En 2005, au moment de l’ouverture du chantier de Venaus, les militants ont créé pendant six semaines une zone franche de démocratie réelle, avant de marcher sur Rome et de sensibiliser tout le pays à la cause. Aujourd’hui, du Piémont au « Meridione » (sud), personne ne semble ignorer les controverses qui animent la vallée de Suse depuis plus de deux décennies. (...)
Des centres sociaux de Naples aux sièges des associations rouges/vertes palermitaines, les régions du sud, touchées par des affaires de pollution et d’éco-mafia [4] très prégnantes, résonnent comme celles du nord au rythme de la vallée de Suse.
Au fil des années, le mouvement No tav est devenu l’un des principaux acteurs de la scène politique italienne en épousant les formes de la lutte contre la gestion mafieuse des territoires. La campagne pour l’élection du président du Conseil, au printemps 2013, n’a pu faire l’économie d’une récupération politique de ce sujet brûlant.
Les conséquences financières de la crise d’octobre 2008 et la politique d’austérité imposée, entre autres, à l’Italie, ont mis encore davantage à mal les finances publiques nationales. L’argument du gâchis financier devient alors prioritaire, aux côtés de l’inutilité du projet.
Et en France ?
De l’autre côté de la frontière, l’écho du mouvement italien se fait ressentir. Pas seulement à travers la création de certains groupes locaux transfrontaliers affiliés aux Verts, dans les années 1990. Mais aussi dans les squats, les lieux alternatifs, et les ZAD qui expérimentent, sur tout le territoire, d’autres manières de vivre et de lutter.
Qu’en est-il alors, du mouvement français ? Deux structures — Lyon Turin ferroviaire et Comité pour la liaison ferroviaire transalpine — forment le cœur du lobby pro-tunnel. Comment s’explique, alors, le manque de ferveur de ce côté de la frontière ?
Pour Daniel Ibanez, membre actif de l’opposition en France, c’est avant tout en raison de la culpabilisation de toute forme d’opposition après l’accident du Mont-Blanc [5]. Elle repose également sur la mascarade de la concertation et de l’enquête publique, et le fantasme d’un univers de gauche qui pense que l’infrastructure ferroviaire est synonyme de service public et de statut des cheminots. Même si le projet est un partenariat public-privé.
Savoirs partagés et nouveaux modes de vie (...)
Ecrivain italien renommé, Erri De Luca est poursuivi en justice pour avoir soutenu le mouvement NoTav et avoir dit dans un entretien que « la TAV doit être sabotée ». « Cette inculpation est mon premier prix littéraire en Italie », ironise-t-il dans cet opuscule, expliquant que « si mon opinion est un délit, je continuerai à le commettre ».
« L’accusation portée contre moi sabote mon droit constitutionnel de parole contraire », poursuit-il. « J’accepte volontiers une condamnation pénale, mais pas une réduction de vocabulaire ». Il interroge les liens de la justice avec les intérêts privés et fait un éloge de la résistance tant concrète qu’intellectuelle, s’appuyant sur les exemples du passé.
Luca compare la démocratie à un accordéon : « L’accordéon des droits se resserre parfois jusqu’à rester sans souffle. Mais ensuite les bras s’étirent et l’air revient dans le soufflet ». Un livre qui donne envie de s’étirer… avec les NoTav !