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En Italie, une coopérative résiste à la Mafia calabraise et offre un autre futur à la jeunesse
Article mis en ligne le 22 octobre 2016
dernière modification le 18 octobre 2016

La coopérative sociale Valle del Marro s’est développée au cœur de la Calabre. Dans une région où l’emprise de la ’Ndranghetta – la mafia calabraise – a découragé bien des initiatives, la coopérative récupère les biens – bâtiments ou terrains – que la justice a repris au crime organisé et s’en sert comme outil d’insertion. Une entreprise modèle dont le courage et la portée ont valeur de symbole. « Ici ce n’est pas une terre de la mafia. C’est une terre confisquée à la mafia », résume Don Pino De Masi, référent régional de Libera, la plus grande association anti-mafia de la péninsule. Reportage sur cette terre marquée par la violence mafieuse.

entre le milieu des années 70 et la fin des années 80, agressions et règlements de compte ont fait une centaine de morts. Antonio Napoli est l’un des fondateurs de la coopérative Valle del Marro, créée en 2003 à quelques kilomètres de Taurianova et Cittanova, dans la ville de Polistena, 12 000 habitants. Dans cette ville, à la fin des années 80, la ’Ndrina [la famille] Longo-Versace régnait en maître. (...)

Un jour, raconte Antonio, le prêtre Don Pino De Masi, aujourd’hui référent de l’association anti-mafia Libera, organise des activités pour les enfants de la ville sur la place qui fait face à un immeuble luxueux, propriété du clan Longo-Versace. En voyant les enfants, Michele Versace envoie un domestique pour offrir une glace à chacun d’entre eux. Le prêtre explique aux enfants qu’ils doivent refuser et ceux-ci obtempèrent. Pointant l’immeuble du doigt, il dit à l’émissaire des Versace : « Un jour, c’est nous qui serons là. » Après une guerre entre clans rivaux pour le contrôle de la drogue et l’assassinat de deux membres de la famille Versace, l’État reprend peu à peu le contrôle du territoire. Il confisque l’immeuble luxueux des Versace, symbole de leur pouvoir occulte, tellement puissant qu’il est capable de mettre à mal l’autorité publique. « Quand bien des années plus tard l’immeuble confisqué a été confié à notre coopérative, j’ai vu que Don Pino de Masi avait les larmes aux yeux. Jamais il n’aurait pensé que sa folle prophétie se réaliserait un jour », conclut Antonio Napoli.

Une coopérative sociale, agricole, anti-mafia

La coopérative Valle del Marro est une coopérative sociale et mutualiste née d’une double volonté : d’un côté le désir des pouvoirs publics d’externaliser une part de leurs services, de l’autre l’auto-organisation de la société civile désireuse de répondre à des besoins sociaux peu ou mal satisfaits, en apportant des solutions innovantes. (...)

60% de l’espace cultivé par la coopérative est destiné aux oliveraies, le reste aux fruits – oranges, clémentines, kiwis – et à l’horticulture – aubergines, piments. L’huile d’olive biologique est le fleuron de l’entreprise. La production est distribuée dans toute l’Italie, ainsi qu’en Suisse, par des boutiques spécialisées dans le commerce biologique et équitable ainsi que par la grande distribution coopérative. L’association Libera, dont le référent est le prêtre Don Pino De Masi, a aussi développé son site qui sert de vitrine commune à l’ensemble des coopératives anti-mafia.
Construire un autre futur pour le territoire

Rendre productives des terres parfois à moitié abandonnées par leurs précédents propriétaires – occupés à d’autres tâches plus lucratives – est un travail de longue haleine. (...)

Durant l’hiver, la coopérative fait appel aux travailleurs migrants. « Ils ont du courage à revendre, estime Antonio. Et ils ne sont pas conditionnés par la mentalité locale. » Ils bénéficient ici de contrats en bonne et due forme, une exception dans une région où le travail à la tâche est de mise. Ailleurs, souvent, des contremaîtres appelés « caporaux », anciens travailleurs migrants passés au service des patrons, sélectionnent chaque jour la main d’œuvre contre une partie de sa faible rémunération. Ce système existait avant la vague d’immigration et régissait autrefois l’exploitation des Calabrais les plus pauvres, enfants compris.

En 2010, à Rosarno, à quelques kilomètres de la plaine de Gioia Tauro, les migrants se sont révoltés contre les violences subies. Là encore, la ’Ndranghetta a joué un rôle majeur, une sorte de double jeu pour déchaîner la haine raciste contre ceux-là mêmes dont elle tirait profit. (...)

Durant l’hiver, la coopérative fait appel aux travailleurs migrants. « Ils ont du courage à revendre, estime Antonio. Et ils ne sont pas conditionnés par la mentalité locale. » Ils bénéficient ici de contrats en bonne et due forme, une exception dans une région où le travail à la tâche est de mise. Ailleurs, souvent, des contremaîtres appelés « caporaux », anciens travailleurs migrants passés au service des patrons, sélectionnent chaque jour la main d’œuvre contre une partie de sa faible rémunération. Ce système existait avant la vague d’immigration et régissait autrefois l’exploitation des Calabrais les plus pauvres, enfants compris.

En 2010, à Rosarno, à quelques kilomètres de la plaine de Gioia Tauro, les migrants se sont révoltés contre les violences subies. Là encore, la ’Ndranghetta a joué un rôle majeur, une sorte de double jeu pour déchaîner la haine raciste contre ceux-là mêmes dont elle tirait profit.