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Le Monde
En Libye, le cessez-le-feu de Tripoli illustre l’influence de la médiation turco-russe
Article mis en ligne le 15 janvier 2020

Tripoli a connu, dimanche 12 janvier, pour la première fois depuis des semaines, une fragile accalmie sur les lignes de front où combattent les forces antagonistes du gouvernement d’accord national (GAN) de Faïez Sarraj contre celles de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar. Censé débuter dimanche après minuit, le cessez-le-feu auquel les deux camps avaient consenti sous la pression conjointe des Turcs et des Russes – parrains respectifs du GAN et de l’ANL – a « été raisonnablement respecté, surtout quand on regarde les conséquences de la récente internationalisation du conflit, comme l’utilisation de drones », selon Emadeddin Badi, chercheur au Middle East Institute. Des escarmouches ont persisté dans les quartiers d’Aïn Zara et de Salaheddine, au cœur de la capitale libyenne, Tripoli, mais elles se sont résumées à des « violations mineures du cessez-le-feu », a commenté M. Badi.

Il s’agit de la première mesure de désescalade entreprise depuis l’assaut déclenché, en avril 2019, par l’ANL du maréchal Haftar contre les forces restées loyales au GAN de Sarraj, le gouvernement de Tripoli reconnu par la communauté internationale. Le relatif respect de ce cessez-le-feu, fruit d’une rencontre, le 8 janvier, à Istanbul, entre le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et son homologue russe, Vladimir Poutine, confirme « l’émergence de la Turquie et de la Russie comme les grands gagnants au niveau diplomatique », ajoute M. Badi. (...)

Moscou s’impose notamment comme un acteur décisif dans la médiation en cours, comme l’illustre la présence du maréchal Haftar dans la capitale russe, où son rival, Faïez Sarraj, doit le rejoindre lundi, selon Khaled Al-Mechri, le président du Conseil d’Etat à Tripoli. Si un accord de cessez-le-feu en bonne et due forme devait être signé à Moscou – gravant ainsi dans le marbre un engagement jusque-là purement verbal –, le condominium turco-russe, dans la médiation diplomatique sur la Libye qui se dessinait, trouverait une éclatante confirmation. (...)

« Il est assez stupéfiant de voir à quel point la Russie et la Turquie ont été capables de forcer leurs “clients” libyens à accepter des compromis qui sont quand même assez douloureux pour eux », observe Wolfram Lacher, chercheur à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (Stiftung Wissenschaft und Politik, SWP), basé à Berlin. La concession pour Haftar est de « devoir arrêter son offensive » même si le fait de « pouvoir rester à Tripoli représente une victoire pour lui », précise M. Lacher.

« C’est dans l’autre camp, celui de Sarraj, qui doit accepter que Haftar demeure à Tripoli et que cela soit cimenté dans un cessez-le-feu, que la concession est la plus douloureuse, ajoute le chercheur. Et cela peut d’ailleurs provoquer des fractures au sein de ce camp pro-Sarraj. Certains perçoivent le danger que Haftar réussisse à utiliser ce cessez-le-feu pour diviser ses adversaires et avancer dans sa conquête du pouvoir » (...)