
Le territoire zéro chômeur de Colombey-les-Belles (Meurthe-et-Moselle) fête son premier anniversaire. Virée dans cette contrée lorraine qui tente petit à petit de tuer le chômage à coups de travail pour tous.
Imaginez un ensemble de villages où une entreprise se propose de recruter chaque chômeur, pour ne laisser personne sur la touche. Les vieux, les jeunes, les rebelles, les manuels, les intellos et tous les autres. Comme ça, quasi automatiquement, sans condition d’expérience ni d’études. Et pas un emploi quelconque ou absurde. Non, un poste qui correspond vraiment aux envies de chaque demandeur d’emploi.
Au coeur du dispositif : La Fabrique. Un hangar gris souris planté dans la glaise moite, coincé entre une forêt et des champs tout plats. Derrière ses faux airs de vieil entrepôt fatigué se cache cette fameuse entreprise qui embauche à tours de bras les laissés pour compte de l’économie locale. Depuis janvier 2017, 42 personnes ont déjà été recrutées en CDI.
La Fabrique est une Entreprise à but d’emploi (EBE). Ici ce ne sont pas les chômeurs qui cherchent du travail, mais le travail qui vient aux chômeurs. Chaque riverain peut demander un CDI, à condition de ne pas avoir travaillé depuis un an et d’avoir habité dans les environs au moins les 6 derniers mois.
« Si vous avez un enfant qui doit aller à l’école, vous ne vous demandez pas s’il y a de la place à l’école, simplifie Bertrand Deligny, président de La Fabrique. Et ben nous on fait exactement la même chose pour les chômeurs de longue durée. Ils ne doivent pas se poser la question de savoir s’il y a du travail. Il y en a. »
Cette machine à fournir des emplois a été créée dans le cadre de l’expérimentation nationale « zéro chômeur de longue durée » qui concerne 10 zones tests en France. Le financement public du projet est garanti depuis février 2016 grâce à une loi votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat.
L’idée est née au sein de l’association ATD Quart Monde au milieu des années 90. (...)
La loi prévoit au moins 5 ans d’expérimentation avec des points d’étape intermédiaires. Une manière d’évaluer le dispositif au fil du temps.
L’entreprise lorraine est au cinquième du parcours. Une flopée de salopettes vertes fourmillent déjà chaque jour dans 38 communes du coin : des bûcherons, des menuisiers, des maraîchers, des agents d’entretien et une dizaine d’employés de gestion. Le hangar de La Fabrique, lui, abrite aussi un dépôt de meubles et d’objets anciens. Remis à neuf par les ex-chômeurs, ils alimenteront bientôt une boutique solidaire.
« Le projet connecte des personnes qui ont du savoir faire et des communes qui ont des besoins non-satisfaits, synthétise Basile Deligny, 21 ans, fils du président de la boîte. Nous notre travail c’est de trouver l’équilibre entre ces deux versants. » Le jeune employé aux cheveux ébouriffés mime avec des grands gestes l’ampleur de la fusion territoire-travailleurs.
« Des gens s’ouvrent et se redécouvrent comme une force » (...)
l’expérimentation fait douter et qu’il faut démêler l’incrédulité dès les premières secondes : « Les gens se disent “ Qu’est-ce que c’est encore de ça, il se fout de moi ? Territoire zéro chômeur, ils sont mignons eux ” ».
Après cette phase de sensibilisation, des « entretiens de propositions » sont organisés avec les demandeurs d’emploi pour cibler leurs envies professionnelles : « On assiste à des entretiens merveilleux, glisse Baptiste Deligny. Des gens s’ouvrent et se redécouvrent comme une force au fil de la discussion, et pas comme un déchet ou je ne sais quels mots qu’on peut entendre et qui sont assez durs. ». (...)
À terme, le projet vise à recruter les 350 à 400 demandeurs d’emploi des 38 communes de Colombey-les-Belles. « On imagine bien que, comme le projet part du volontariat, on n’arrivera pas à recruter tous les chômeurs, relativise Baptiste Deligny, les bras toujours en l’air pour tracer la nuance. Mais c’est bien de se rappeler qu’on part du mieux pour se rapprocher de la réalité. C’est important de toujours viser l’utopie. »