
Dans les années 2000, le thon rouge de Méditerranée était surexploité. La mise en place de quotas a beaucoup amélioré la situation. Mais la surpêche menace toujours et les quotas font l’objet d’âpres luttes entre gros thoniers et petits pêcheurs. Plongée au coeur de la filière à Sète.
(...) Un business juteux qui a bien failli provoquer la disparition de l’espèce en Méditerranée. « La pêcherie du thon rouge a commencé dans les années 80, puis a connu son essor dans les années 90 et 2000 », raconte Bertrand Wendling, directeur de la Sathoan, la coopérative des pêcheurs de Sète. Elle détient la moitié des quotas de pêche de thon rouge de l’hexagone, soit environ 1.300 tonnes sur les 2.400 attribuées à la France.
Le ton rouge menacé par la surpêche
« Avant, on ne faisait pas trop attention aux quotas », reconnaît Généreux Avalonne, père de Jean-Marie et propriétaire de quatre thoniers senneurs à Sète. L’Union Européenne, dans le cadre de sa politique commune de la pêche, subventionne l’équipement des pêcheurs. Ailleurs en Méditerranée, la pêche illégale se développe. Au milieu des années 2000, l’Iccat (Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique) estime que la pêche illicite est équivalente à la pêche légale. (...)
un plan de reconstitution de l’espèce est planifié jusqu’en 2022. Bon nombre de thoniers senneurs sont détruits, leur nombre passe de trente-deux en 2008 à dix-sept aujourd’hui. Le nombre de licences pour les « petits métiers », les pêcheurs de thons à la ligne, est limité à quatre-vingt-sept pour la Méditerranée française.
La décision tombe comme un coup de massue pour les pêcheurs. A Sète, ils doivent encaisser « une diminution de 60 % du chiffre d’affaires », raconte Virginie Angevin, propriétaire d’un petit bateau. Certains doivent vendre la maison pour rembourser le crédit du navire. (...)
e climat est très tendu entre les pêcheurs et les ONGs qui ont dénoncé la surpêche et exercé une pression internationale. Encore en 2010, une action de Greenpeace pour « libérer » les thons capturés par le Jean-Marie Christian VI se termine mal : un militant est blessé par un harpon.
Une pêche « durable » ?
Mais désormais le discours est lissé. « On a été traités de bateaux ravageurs, industriels ou intensifs. Comment voulez-vous que l’on soit intensifs quand on pêche quinze jours par an ? » s’interroge Généreux Avallone. Il affirme pratiquer une pêche durable : « Cela fait trois, quatre générations que l’on pêche le thon à la senne et je veux que mes petits-enfants puissent encore le faire. »
Il vante les contrôles très resserrés mis en place par l’Iccat : « Le jour où l’on part en campagne, on embarque à bord un contrôleur européen, puis on est contrôlé en mer, des caméras vidéo permettent de mesurer le poisson et de donner le tonnage que l’on pêche. »
Pour lui, la pêche illégale a désormais quasiment disparue et la baisse des quotas a fait du bien. « Aujourd’hui on voit beaucoup, beaucoup de poissons », affirme-t-il. Autre raison pour les pêcheurs de se satisfaire de la baisse des quotas : le poisson se vend désormais trois à dix fois plus cher qu’avant.
Aux dernières nouvelles, l’IFREMER (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) confirme « une amélioration de l’état du stock ». Le nombre de poissons en âge de se reproduire augmente. (...)
chez Greenpeace, on reconnaît également une amélioration de la situation mais on reste prudent. « La pêche est ouverte pendant un mois, mais c’est la période de reproduction du thon », déplore François Chartier, chargé de campagne océans de l’ONG. Les poissons les plus prisés au Japon sont les plus gras, c’est-à-dire les femelles encore enceintes d’œufs qu’elles n’ont pas pondus.
Et puis, « il y a deux ans ils ont pêché leur quota en trois jours, c’est bien la preuve qu’il y a encore une surcapacité de pêche », poursuit le militant. Sans compter que selon lui, il existe encore de la pêche illégale : « La spécificité de cette pêche fait que l’on peut frauder à tous les niveaux, par exemple au moment de l’engraissement du thon rouge, on peut tricher sur le poids. » Cependant, il l’admet, « la pêche illégale a diminué de manière significative. »
Des quotas mais pas pour tout le monde
Alors désormais, tout va mieux pour le thon rouge ? Pas tout à fait. En sourdine, les pêcheurs se disputent âprement les quotas. (...)
La famille Avalonne, avec ses quatre thoniers senneurs concentre 600 tonnes de quotas, soit un quart des 2400 tonnes attribuées à la France en 2014. « Ils n’auraient pas dû conserver tous ces quotas », dénonce Frédéric Reste, Président du Syndicat professionnel des pêcheurs petits métiers du Languedoc Roussillon. Les pêcheurs à la ligne n’ont eux que 230 tonnes soit 10 % du quota, à répartir entre les 87 licences octroyées aux petits métiers.(...)