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Osi Bouaké
En RDC, d’anciens enfants soldats trouvent leur salut dans la capoeira (art martial brésilien qui mêle danse, musique et chants)
Article mis en ligne le 6 décembre 2017

On est jeudi après-midi, à Keshero, une communauté de la banlieue de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo. Un groupe d’enfants et de jeunes se rassemble dans un espace ouvert dans le centre de transit et d’orientation pour les anciens enfants soldats que gère le Concert d’actions pour jeunes et enfants défavorisés (CAJED).

Environ 70 garçons, dont 30 sont d’anciens enfants soldats, commencent à former un cercle et se préparent à pratiquer une activité très spéciale : la capoeira. Tous les mardis et jeudis, ils participent à un cours de deux heures de cet art martial brésilien qui mêle danse, musique et chants, que des esclaves originaires d’Afrique de l’Ouest ont inventé au 16e siècle au Brésil. Des enfants d’à peine 5 ans et des adolescents de 17 ans se réunissent au son d’un instrument de percussion à une corde appelé berimbau.

« Ieh capoeira  ! », lance Flavio Saudade, le maître brésilien de capoeira, pour marquer traditionnellement le début du cours. Ceux qui suivent les cours depuis un certain temps montrent aux nouveaux venus comment se tenir dans la roda, le cercle que forment les capoeiristes, lorsque la ginga (le mouvement de base) débute et que d’autres mouvements de capoeira se succèdent dans une forme de combat non violent. (...)

« Avec la capoeira, ils apprennent à se pardonner eux-mêmes », confie Flavio.

L’un des conflits les plus meurtriers au monde

Depuis plus de 20 ans, le nord-est de la République démocratique du Congo est enlisé dans un conflit armé. Après le génocide rwandais de 1994, des extrémistes hutus, qui avaient commis des crimes génocidaires, ont fui de l’autre côté de la frontière et se sont unis à l’armée congolaise/zaïroise pour attaquer des Tutsis congolais dans l’est du pays.

Il s’ensuivit l’un des conflits les plus meurtriers depuis la Deuxième Guerre mondiale, causant plus de six millions de morts et dans lequel cinq autres nations africaines sont impliquées (Rwanda, Ouganda, Angola, Namibie et Zimbabwe)  ; les belligérants tirent profit des ressources minérales du Congo valant plusieurs milliards de dollars.

Même si la fin de la guerre a été officiellement proclamée en 2003, l’est de la RDC reste le théâtre d’une violence et d’une instabilité complexes et permanentes. Récemment, on a estimé que 7,3 millions de personnes de la région avaient besoin d’aide humanitaire et que 3,8 millions de personnes avaient été déplacées à l’intérieur du pays – la proportion la plus élevée en Afrique selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (BCAH).

Parmi les dizaines de groupes armés qui combattent toujours dans l’est du Congo, nombre sont ceux qui recrutent des enfants – souvent de force – en tant que combattants, porteurs, espions ou esclaves sexuels. (...)

Le but final des cours est d’améliorer la confiance en eux des jeunes pratiquants tout en les aidant à surmonter les importants traumatismes qu’ils ont subis. (...) « La capoeira me fait sentir que je suis capable de faire quelque chose. Elle me fait tout oublier du passé. Lorsque nous effectuons les mouvements, c’est très pacifique et ça m’aide à créer des liens d’amitié avec les autres », répond-il aux journalistes d’Equal Times. (...)
Ce jeune adolescent a vécu des scènes de guerre choquantes et a survécu dans la jungle dans un stress psychologique immense. « Au début où j’étais avec le groupe armé, il y avait beaucoup de problèmes qu’on devait surmonter », explique-t-il sans trop entrer dans des détails douloureux.

Le groupe armé Nyatura a été créé en 2010 et est l’une des nombreuses milices communautaires maï-maï formées pour défendre un territoire local contre les autres groupes armés. Comme la plupart des milices, Nyatura a été accusée de violations des droits humains, comme des exécutions sommaires, des viols, des déplacements forcés de civils et le recrutement d’enfants soldats.

En finir avec le phénomène des enfants soldats (...)

« Le CAJED gère six centres de transition dans le Nord-Kivu dans lesquels près de 10 000 enfants ont été accueillis depuis sa création, il y a 20 ans. Mais, il est difficile de mettre un terme au recrutement », explique Faustin Lyabahinduka.

« Nous menons aussi des actions de sensibilisation au cœur de la province et certaines de nos équipes contactent des dirigeants locaux de groupes armés pour tenter de les convaincre de relâcher tous les enfants. Certains groupes acceptent de les libérer, d’autres enfants parviennent à s’échapper. »

Lorsqu’un enfant s’échappe d’un groupe armé, il cherche de l’aide auprès des centres locaux que gèrent des ONG ou auprès d’avant-postes de la mission des Nations Unies de maintien de la paix, MONUSCO.

« Nous devons alors déterminer s’ils ont bien moins de 18 ans. Cela fait, ils viennent dans les centres de transition pour recevoir une aide en vertu de la protection des enfants. Ils y restent au minimum trois mois », poursuit Faustin. (...)