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« En direct avec les Français » sur TF1 : démocratisation ou dépolitisation des débats ?
Article mis en ligne le 20 avril 2015

Tentative de rompre avec la routine des interviews rituelles sous les ors de l’Élysée, l’émission « En direct avec les Français », à l’instar de quelques autres apparues ces dernières années, pouvait être l’occasion de sortir, un tant soit peu, des sentiers médiatico-politiques (re)battus. Pourtant, loin de contribuer véritablement à démocratiser la politique au meilleur sens du terme en l’ouvrant à des espaces et à des personnes d’ordinaire peu ou pas visibles, force est de constater que l’émission ne sortit guère du ronron et des travers habituels, suscitant de la part des grands médias les mêmes questions, commentaires et postures que d’habitude. D’où il ressort clairement que le titre était trompeur : on en apprit bien plus ce soir là sur les médias et ceux qui les incarnent que sur « les Français » et leur rapport au politique. Les interviews en grandes pompes d’ores et déjà programmées dans les prochains jours pour « fêter » les 3 ans du mandat de François Hollande ont peu de chances de déroger à la règle exposée ci-dessous.

(...) On pouvait craindre que l’anecdotique le dispute au spectaculaire, le superficiel au grandiloquent ; et que dire du fait que les fameux « Français », censés disposer d’une émission sur mesure, soient à peine mentionnés au détour d’une phrase ? Ce genre d’articles semble in fine exclusivement destiné à faire monter médiatiquement une mayonnaise médiatico-politique qui semblerait bien fade autrement.

Un dispositif chic et toc (...)

En se penchant sur le dispositif de l’émission, le quotidien gratuit Metronews nous apprend, entre autres choses passionnantes, que « de larges bandes lumineuses entourent le studio de 850m2 et lui confèrent un caractère chaleureux », que « la table centrale est en bois clair », et que « François Hollande devrait être à environ 1,60m de ses interlocuteurs ». C’est tout ? C’est tout. Il n’est qu’à lire les têtes de chapitre « le décor », « la table centrale », « la distance », « les couleurs » pour saisir comment les médias vont en faire un (non-)événement médiatique qui, au-delà de l’apparat et des apparences sérieuses, aura toutes les caractéristiques de l’émission finalement dépolitisée et dépolitisante concentrée sur le cosmétique, le superficiel, l’arbitraire et donc, le plus souvent, dérisoire.

Nul doute, par exemple, que la constitution du plateau ait des présupposés et des effets politiques. Mais l’article relatant le dispositif est ici purement informatif et ne se risque guère à l’interpréter en allant au delà de l’énumération de petits faits vrais agrémentés de quelques chiffres. En somme, on nous « dévoile » tout sauf l’essentiel, à savoir l’envers du décor et les enjeux autant que les effets politiques de ce dernier. Or c’est en négligeant ces questions de fond, en les occultant sciemment ou non, que les journalistes participent d’autant mieux à un jeu médiatique globalement vain. (...)

Pour bien appréhender la qualité des débats ce soir là, quoi de mieux que le florilège qui suit nous permettant d’observer le sens tout particulier et en définitive très réducteur dans lequel il faut entendre « politique » dans une émission censée l’incarner au plus haut point.

Une fois n’est pas coutume, c’est Gilles Bouleau qui donne le ton et se paie de mots en annonçant au chef de l’État rien de moins qu’une « émission exceptionnelle ».

Et son acolyte Thierry Demaizière de poursuivre : « Mon travail ce soir, c’est de vous faire parler de vous ». Voilà un beau programme politique… puis le même rappelle doctement que « l’image, c’est de la politique » avant de rendre un verdict implacable : « Vous êtes très pudique et votre quinquennat est très impudique »… pour s’appesantir enfin, pendant de longues minutes, sur le monument littéraire rédigé par Valérie Trierweiler. Et sur ce que François Hollande « pense de sa façon d’incarner le pouvoir ». (...)