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Engagé, il devient la cible de l’extrême droite : « Ce qui est attaqué, ce sont les idées que je porte »
Article mis en ligne le 5 janvier 2022
dernière modification le 4 janvier 2022

Sur Twitter, cet étudiant de 22 ans est suivi par plus de 43 000 personnes. Il milite aussi sur le terrain. Ses engagements l’exposent depuis plusieurs mois à la violence d’une extrême droite toujours plus décomplexée. Portrait.

Deux agressions physiques par des militants d’extrême droite

Pendant longtemps, le jeune homme a « twitté » sous sa vraie identité. Jusqu’à ce samedi de septembre 2021, en début d’après-midi. Alors qu’il marche en compagnie de sa mère dans le centre-ville clermontois, un petit groupe de militants d’extrême droite l’agressent. « Le samedi, c’est le jour des anti-passe. À Clermont, les fachos aiment bien traîner dans ces manifestations. Là on rentrait de notre déjeuner tranquillement et certains m’ont reconnu. Ils m’ont entouré et ont commencé à me dire "Alors, on fait le malin sur Twitter ?". Puis ils m’ont bousculé, insulté, intimidé. Je ne me rappelle pas vraiment de ce qu’ils disaient. J’étais trop concentré à écarter ma mère », souligne l’étudiant.

C’est la deuxième agression physique qu’il subit de la part de militants d’extrême droite, après une première survenue en mai 2020. Mais cette fois, l’attaque a eu lieu en présence de sa famille. Pour le jeune homme, c’en est trop. Il décide de s’anonymiser sur les réseaux sociaux et se met en retrait du militantisme sur le terrain. Il dépose également plainte, vidéo à l’appui. (...)

Avant ses 18 ans, Vilain syndicaliste n’était pas spécialement politisé. Il a grandi dans une petite ville de quelques milliers d’habitants avec des parents « de gauche modérée ». « On ne parlait pas trop de politique à la maison. » La politique, il tombe dedans sur Youtube. « J’ai regardé une vidéo "Mélenchon clash Le Pen, Best of", ça m’a donné envie de m’intéresser, dit-il. J’ai emmené ma mère voir Jean-Luc Mélenchon pour son meeting holographique en 2017, et j’ai tout de suite été séduit. »
« Militant de terrain lambda » et twitto à forte audience (...)

Quand il débarque il y a quatre ans à l’université de Clermont-Ferrand, son engagement et son militantisme s’affinent. « En arrivant, j’étais ce qu’on appelle dans le syndicat un "nini", c’est-à-dire ni un des nouveaux qui n’ont encore aucune formation politique, ni ceux avec des discours bien structurés. » Lors d’une manifestation, il rencontre des syndicalistes de l’Unef avec qui il discute longuement. Et décide de s’engager au sein du syndicat étudiant. « Ce sont mes camarades du syndicat qui m’ont formé à la politique et m’ont convaincu de l’utilité du syndicalisme, avec cette idée d’"un pied dans la rue, un autre dans l’administration". » Aujourd’hui, le discours de Vilain syndicaliste est construit. (...)

« Je suis un militant lambda, de terrain, rien de plus ». Dans sa ville, sans doute. Sur Internet, c’est moins sûr. En parallèle de son engagement à l’Unef, le jeune homme a continué à être très actif sur Twitter. « Ce que j’écris est rarement réfléchi. Je vois passer des nouvelles qui m’énervent et j’y réponds cash. On vit dans un monde où il y a peu de nouvelles positives. Mes tweets sont souvent animés par de la colère de classe. Et cette colère est, je pense, saine. »
« Certaines personnes me demandaient des photos, ça m’a beaucoup dérangé »

Ce ton fait grimper son audience et son nombre d’abonnés. Au point de devenir, malgré lui, une personnalité publique. « Aux universités d’été de la France insoumise, certaines personnes me demandaient des photos, ça m’a beaucoup dérangé. Je rejette totalement ce statut d’influenceur, de personnalité publique. » Cette visibilité le place aussi en première ligne face à l’extrême droite. « Je pense que le tournant, c’est le premier article que m’a consacré Démocratie participative. » Attribuée au militant néonazi Boris Le Lay, cette plateforme publie des contenus racistes, homophobes, antisémites sur des personnalités publiques. Des contenus qui font partie des plus violents et haineux mis en ligne sur l’Internet francophone. Au point que Google l’a déférencée et que la justice française a ordonné aux fournisseurs d’accès Internet de le bloquer [1].

Fin 2019, Vilain syndicaliste fait son coming-out à sa famille et l’écrit sur twitter. Quelques jours plus tard, le site Démocratie participative sort un article qui lui est uniquement consacré. Nous l’avons lu. Mais pour éviter toute mauvaise publicité, nous ne le citerons pas. Il reçoit ensuite régulièrement sur Twitter des messages haineux, jusqu’à des menaces de mort. « Ça s’est un peu calmé. De toute manière, je supprime tous ces messages et bloque systématiquement ces comptes. » Les groupuscules fascistes le gardent dans le collimateur. En 2021, Démocratie participative lui consacre un second article, du même acabit que le premier. Puis, comme l’a révélé une enquête de nos confrères de StreetPress, Vilain syndicaliste se retrouve en novembre dernier sur un canal Telegram d’extrême droite avec une cible sur la tête, aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, de la député insoumise Danièle Obono, de Taha Bouhafs, journaliste au Média, de Mathieu Molard, rédacteur en chef de StreetPress, et du visage d’Anne Frank, l’adolescente morte à 15 ans en déportation.

Les photos, assorties de caricatures racistes et antisémites, sont publiées sur la chaîne Telegram « Les Vilains Fachos », dont certains membres sont proches de la campagne d’Éric Zemmour. Le tout est accompagné d’un lien qui dirige vers un site permettant d’acheter des armes à feu. (...)

« Il faut clairement une réponse antifasciste à ce phénomène »

Pour faire face à ces attaques, Vilain syndicaliste essaie de se détacher au maximum. « Je me dis que tout le monde s’en fout de ma vie. Ce qui est attaqué ce n’est pas moi, ce sont les idées que je porte, l’antiracisme, la lutte contre l’extrême droite, des idées de gauche. » Il souligne que ces agressions ont aussi changé sa manière d’appréhender l’extrême droite. « L’erreur c’est de les considérer comme des bouffons. Avant tout ça, je prenais peut-être un peu le fascisme à la légère. Mais ce n’est pas de la bouffonnerie et ce n’est jamais à prendre à la légère, surtout quand il est décomplexé à ce point… C’est très inquiétant. Il faut clairement une réponse antifasciste à ce phénomène. » (...)

il a tout de même dû se mettre en retrait de ses engagements syndicaux. « Par exemple, il y avait des élections syndicales à la fac récemment, et je n’ai pas milité, pour ma santé mentale, mais surtout pour la sécurité de mes camarades. » Il confie aussi être en permanence sur le qui-vive. « Je me retourne régulièrement dans la rue, j’ai peur quand on toque à la porte de mon logement… »

Malgré tout, le jeune homme veut continuer à vivre le plus normalement possible. Cette année, il termine son master 2 de droit et politique internationale. (...)

il se projette dans un métier où il pourra « servir » en cas d’arrivée de la gauche au pouvoir.