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Engraissés, enfermés, anémiés… les veaux de boucherie font les profits de l’agro-industrie
Article mis en ligne le 25 octobre 2020

Les Français sont les premiers consommateurs de viande de veau au monde et les seconds producteurs européens. Cette filière industrielle écoutée par les pouvoirs publics dissimule mal les raisons de son succès : l’exploitation et la maltraitance animales au nom de la productivité.

Cinq ou six mois. C’est l’âge des veaux lorsqu’ils passent à l’abattoir. Ils sont alors considérés comme suffisamment engraissés. La France est le second producteur européen de viande de veau, avec plus de 1,2 million de bêtes élevées et abattues l’année dernière. Cette viande trouve preneur : les Français en sont les premiers consommateurs au monde. Au point que la France importe de la viande de veau de Belgique et des Pays-Bas, premier producteur européen, d’après les données de FranceAgriMer. L’Hexagone compte presque 2.500 exploitations, dont chacune gère un cheptel moyen de 220 individus. Avec un peu moins de 500 centres d’engraissement, la Bretagne est la région française qui produit le plus selon le dernier bilan de l’Institut de l’élevage (Idele).

L’immense majorité des veaux de boucherie, 83 % en 2019, selon l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), proviennent de fermes laitières. Les autres naissent dans des exploitations de vaches élevées pour leur chair. 85 % de la production est issue d’ateliers spécialisés, en système intensif. La viande de veau provient donc principalement de jeunes bovins engraissés intensément et issus d’exploitations laitières. C’est sur cette filière que nous allons nous attarder.
« Évidemment, ces animaux n’ont jamais accès à l’extérieur pendant leur vie » (...)

« Après leur naissance dans l’exploitation laitière, les mâles sont placés dans une niche dans laquelle ils ont tout juste la place de se retourner. Ils y restent quelques jours. Puis, ils sont envoyés vers un centre d’allotement [séparation du bétail en lots], où ils sont classés selon leur poids et leur race. Des lots sont constitués pour être envoyés aux éleveurs. » Pendant la phase de tri, d’après le témoignage d’un salarié de cette industrie recueilli par L214, certains sont tués parce qu’ils sont « trop maigres ou malades et que les engraisser ne serait pas assez rentable. » (...)

Les veaux arrivent dans les centres d’engraissement lorsqu’ils sont âgés de quinze jours environ. Le règlement européen autorise, et c’est une exception, qu’ils restent dans des cages individuelles d’un peu plus d’un mètre carré jusqu’à l’âge de huit semaines. Après cette phase, ils doivent être en groupe et disposer d’une surface d’au moins 1,7 mètre carré par veau.

« C’est le principe de l’engraissement. Ils doivent bouger le moins possible pour prendre de la masse rapidement. Évidemment, ces animaux n’ont jamais accès à l’extérieur pendant leur vie », explique Anne Vonesch.

Dans une étude du réseau d’élevage de veau Inosys, constitué de 86 ateliers d’engraissement, on apprend que dans 97 % des bâtiments, le sol est en caillebotis : il est solide et contient des évacuations pour les déjections. Le revêtement est en paille dans 3 % des cas. (...)

Sur le site du ministère de l’Agriculture, on peut lire : « Pour être conforme aux habitudes de consommation des Français, la viande doit avoir une couleur rose pâle. À la naissance, le muscle des veaux est clair. Il prend une couleur rouge lorsqu’ils se mettent à manger des aliments solides contenant du fer, de l’herbe par exemple. Les veaux sont donc gardés à l’intérieur afin d’éviter qu’ils en consomment. » Le règlement permet même de provoquer chez les veaux une carence en fer. (...)

Plus le veau est carencé, plus sa viande est blanche. Or, la cotation de la viande de veau montre que plus la chair est blanche, plus elle peut-être vendue chère. « Les veaux sont donc, très souvent, volontairement carencés en fer par le biais de leur alimentation », dit Sébastien Arsac. Cette carence induit une forte prévalence de maladies digestives et respiratoires. L214 a réalisé une enquête entre juillet et octobre 2019 dans un centre de tri et trois élevages de veaux, tous situés dans le Finistère et appartenant à Laïta, propriétaire des marques Mamie Nova et Paysan breton. Outre les conditions de vie très difficiles des veaux, l’enquête montre que onze antibiotiques différents, destinés à prévenir les maladies digestives et respiratoires, sont utilisés dans les trois élevages. Les militants alertent sur la possibilité d’apparition de pathogènes résistants : « Cinq des molécules que nous avons répertoriées sont considérées “d’importance critique” par l’Organisation mondiale de la santé, pour les risques d’antibiorésistance. » (...)

La consommation de veau et de lait est encouragée dans le cadre de politiques de santé publique.

Malgré cela, d’après l’Idele, sur les dernières années, la consommation de veau est en baisse lente dans le pays. Dans une lettre d’information datée de 2017, face à ce constat, l’institut évoquait la possibilité de se tourner davantage vers l’export. (...)

L214 demande aux autorités un plan concret de sortie de l’élevage intensif, un moratoire sur le sujet et une végétalisation d’ampleur de l’alimentation en restauration collective.