
La démission du premier ministre Saad Hariri a plongé le Liban dans une nouvelle crise. Ira-t-on vers un nouveau conflit armé interne ? Cela semble peu probable alors que l’été dernier, lors d’une bataille à Ersal, ville frontalière de la Syrie, le Hezbollah appuyé par l’armée régulière remportait une large victoire contre l’Organisation de l’État islamique et le Front Fatah Al-Cham présents dans la ville, portant un dur coup aux groupes radicaux sunnites capables de s’opposer à l’organisation chiite.
Ersal a tout d’une ville paisible mais hors norme : ses 37 000 habitants très majoritairement sunnites sont entourés de villages chiites. Elle se situe à une petite quinzaine de kilomètres de la frontière syrienne, surtout, elle a accueilli 120 000 déplacés syriens au pic de la crise en 2015. Tout la prédestinait à connaître un destin particulier, ce fut le cas lorsqu’en 2014, des groupuscules djihadistes du Front Al-Nosra — actuel Fatah Al-Cham, affilié à Al-Qaida —, et de l’Organisation de l’État islamique (OEI) ont pris le contrôle de la ville.
OPÉRATION « AUBE DES JURDS »
Tout commence le 2 août 2014, lorsque des hommes armés attaquent des postes de contrôle de l’armée dans les alentours de la ville et prennent en otage 21 soldats et 15 hommes des forces de sécurité intérieure. L’attaque se déroule quelques heures après l’arrestation d’Imad Ahmad Joumaa, un djihadiste bien connu, impliqué dans plusieurs offensives contre des militaires.
Cette prise d’otage bouleverse le pays. Les nouvelles parviennent petit à petit. Les soldats Ali Sayyed et Abbas Medlej sont décapités par l’OEI fin août et début septembre 2014. Suivent l’assassinat par balles de deux otages du Front Al-Nosra en décembre 2014, ainsi que la mort dans des conditions mystérieuses de deux autres soldats. Seize otages, majoritairement des policiers, sont libérés le 1er décembre 2015 par le Front Al-Nosra. Dix militaires resteront otages et leur mort ne sera officiellement annoncée que début septembre 2017 après la découverte de leurs corps dans un charnier. Leurs familles avaient depuis l’enlèvement planté leurs tentes sur la place Riad Al-Solh, en plein cœur de Beyrouth, afin de faire pression sur les leaders politiques. Les autopsies pratiquées ont cependant révélé la mort de ces dix otages début 2015.
Le 18 juin 2017, le premier ministre Saad Hariri annonce que « les forces régulières mèneront une opération bien planifiée dans le jurd (hauteurs ou région) d’Ersal », et leur donne carte blanche pour traiter cette question. C’est l’opération « Aube des jurds ». Deux jours plus tard, le Hezbollah combattant aux côtés des forces loyalistes au régime de Bachar Al-Assad court-circuite l’armée libanaise et lance les combats contre les positions djihadistes dans la ville d’Ersal et sur les hauteurs. Les forces libanaises sécurisent la zone pour empêcher des combattants de Syrie ou d’ailleurs de prêter main-forte aux djihadistes.
La bataille, qui dure au total huit jours, permet de chasser les djihadistes de la ville et des communes avoisinantes. Leur évacuation ainsi que celle de leurs familles est organisée vers la province syrienne de Deir Ez-zor. L’accord a été négocié entre l’OEI et le Hezbollah, mais un raid aérien de la coalition bloque le convoi aux portes de Deir Ez-zor, près de 48 heures après leur départ de la zone frontalière. Cette affaire, dite des « bus climatisés de l’OEI » a soulevé bien des questions sur l’intérêt de la manœuvre. Après plusieurs jours bloqués dans le désert, les bus sont tout de même arrivés à destination et les djihadistes se sont volatilisés.
LA « DEUXIÈME LIBÉRATION » (...)