 
	Les sommets européens ont ceci de fascinant qu’à leur conclusion, la plupart des journalistes n’entendent qu’un seul son de cloche, celui de leur dirigeant national, et récupèrent ensuite les bribes des « briefings » des autres délégations nationales qui se tiennent généralement au même moment.
Le résultat, malgré tous leurs efforts, est généralement dans les principaux médias une couverture très « chauvine », un « on a gagné » unanime puisque personne ne va réunir « ses » journalistes pour dire « j’ai perdu ».
(...) Il y a un pilote, mais il n’y a pas encore de plan de vol. Car les règles techniques prévues par le nouveau traité issu de la lettre Merkel-Sarkozy de lundi dernier ne vont pas au-delà d’un vœu pieux, agrémenté de quelques pénalités en cas de non-respect des règles d’orthodoxie budgétaire.
Outre le fait que ce traité ne sera réellement rédigé qu’en mars, pour être ratifié ultérieurement par les Etats membres dont certains ont des règles plus contraignantes que d’autres (l’Irlande par exemple) et d’autres des échéances politiques lourdes (la France jusqu’en juin par exemple), ce texte ne règle rien sur le fond de la crise de la zone euro ou de l’Union européenne dans son ensemble.
Et il a un défaut majeur : il s’adresse exclusivement aux marchés, et pas aux peuples européens. Aux premiers, il promet la rigueur qui fera souffrir les deuxièmes, sans leur offrir d’autre perspective que de sortir de l’ornière de la dette. Le patient sera guéri, mais dans quel état ?
Dans quel Etat (avec un E majuscule), pourrait-on également demander, car s’il est une dimension ignorée de cette dernière « avancée », c’est bien la dimension politique. Comme si aucune leçon n’avait été retenue des « non » français et néerlandais au Traité constitutionnel de 2005, et des débats des années suivantes. (...)
La question de la légitimité démocratique de la construction européenne n’a pas disparu par magie sous le poids de la dette et sous les coups de butoir des marchés. Au contraire, la manière dont ont été contraints à la démission les premiers ministres grec et italien à l’automne a de quoi inquiéter.
Alors, peut-être fallait-il envoyer un « signal fort » aux marchés, selon l’expression consacrée, mais on ne fera pas l’économie d’une refondation de cette Europe qui continue à avancer (on a signé l’adhésion de la Croatie vendredi ! ) sans réellement savoir où elle habite. (...)
Cette alternative européenne doit être définie, il y a urgence avant que l’Europe ne s’impose dans le débat sous la forme d’un non franc et massif des citoyens.
