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Rue 89 / Nouvel Observateur
« Etat islamique » ou « Daesh » ? Au commencement de la guerre était le verbe
Article mis en ligne le 18 septembre 2014

(...) Certes, l’offensive sémantique lancée par le ministre des Affaires étrangères français peut sembler dérisoire, face aux gorges tranchées, aux balles dans la nuque ou aux missiles qui s’apprêtent à pleuvoir.

Pour autant, on aurait tort de minimiser le rôle du verbe dans les guerres : les mots y ont toujours joué une place centrale et les stratèges n’ont jamais lésiné sur les budgets de propagande. (...)

Dans cette affaire, comme Jean-Pierre Filiu l’avait déjà pointé sur son blog, les djihadistes de la secte dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi ont réussi un coup de com’ époustouflant. En plantant leur sinistre drapeau sur Mossoul, le 29 juin, ils ont décrété que le nom de leur groupe, l’Etat islamique de l’Irak et du Levant (ou EIIL), était raccourci pour devenir l’Etat islamique.

Or, ce groupe est ni un Etat, ni représentatif du monde islamique. On est dans la pure novlangue, la même qui consiste à baptiser République populaire démocratique de Corée la dictature la plus totalitaire de la planète.

Aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, les médias ont pendant un temps continué à parler d’Isis (Islamic State of Iraq and as-Shām – ou bien « and Syria ») ou d’Isil (Islamic State of Irak and the Levant).

En France, en revanche, ils sont tombés dans le piège, passant subitement de Isis, Isil ou EIIL à l’Etat islamique. (...)

Pourquoi Fabius a-t-il choisi « Daesh » ? Parce que c’est le nom qui est utilisé par les pays du Moyen-Orient pour désigner ce groupe, et que les diplomates l’utilisent volontiers ? Sans doute. Mais on peut se demander si la sonorité péjorative (dèche, douche, tache...) n’a pas également joué un rôle dans ce choix.

Les esprits cartésiens font remarquer que ce choix ne change rien sur le fond : Daesh est un acronyme similaire à « EIIL » (...)

Ce qui est certain, c’est qu’en Syrie, il n’est utilisé que par les opposants au groupe Etat islamique. Et les djihadistes de ce dernier interdisent sur le territoire qu’ils contrôlent de prononcer “Daech”, imposant l’appellation “Dawlat”, l’Etat. Preuve que Laurent Fabius n’est pas le seul à accorder aux mots une importance... (...)