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États-Unis - Appel salutaire de Bernie Sanders : “Construire un mouvement démocratique mondial pour contrer l’autoritarisme”
Article mis en ligne le 17 octobre 2018
dernière modification le 16 octobre 2018

L’appel lancé par Bernie Sanders le 9 octobre 2018 en faveur de la construction « d’un mouvement démocratique mondial pour contrer l’autoritarisme » met chacun et chacune de nous devant ses responsabilités : Oui ou non sommes-nous disposés à unir urgemment nos forces pour nous battre contre la peste autoritaire, raciste et d’extrême droite avant qu’il ne soit trop tard ?

Évidemment, loin de Bernie Sanders l’idée de lancer un simple appel qui se contente de demi-mots ou de généralités confuses et sans objectifs clairs et précis. Au contraire, son long appel est appuyé sur une description détaillée et très bien argumentée d’abord de la menace mortifère qui pèse sur l’humanité et la planète et ensuite du mouvement mondial qui devra assumer la mission salutaire d’affronter cette menace dans un combat à mort. C’est ainsi qu’après avoir déploré le « trop peu d’attention » portée actuellement sur « une tendance inquiétante dans les affaires mondiales », il commence par constater qu’on assiste aujourd’hui aux États-Unis et dans le monde entier à « une lutte aux énormes conséquences » entre « deux visions concurrentes. D’un côté, nous voyons un mouvement mondial croissant vers l’autoritarisme, l’oligarchie et la kleptocratie. De l’autre côté, nous voyons un mouvement vers le renforcement de la démocratie, l’égalitarisme et la justice économique, sociale, raciale et environnementale ».

Ayant dessiné les contours du problème, Bernie Sanders peut maintenant balayer l’approche souvent anecdotique du « phénomène » Trump en constatant que « Donald Trump et le mouvement de droite qui le soutient ne sont pas un phénomène unique aux États-Unis. Partout dans le monde, en Europe, en Russie, au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique latine et ailleurs, nous voyons des mouvements dirigés par des démagogues qui exploitent les craintes, les préjugés et les plaintes des gens pour conquérir le pouvoir et s’y accrocher ». (...)

Sans oublier que « plusieurs de ces dirigeants sont également profondément liés à un réseau d’oligarques multimilliardaires qui considèrent le monde comme leur jouet économique ».

Tirant la leçon de cette profonde liaison entre ces dirigeants autoritaires et le réseau d’oligarques milliardaires, Bernie Sanders arrive à la conclusion que « jamais auparavant nous n’avions vu aussi clairement le pouvoir de l’argent sur la politique gouvernementale. (...)

Alors, que faire face à ce « front commun » de l’autoritarisme et du grand capital qui menace directement nos libertés et nos droits démocratiques ?

La réponse de Bernie Sanders est on ne peut plus claire : « Pour lutter efficacement contre l’autoritarisme de droite, nous ne pouvons pas simplement être sur la défensive. Nous devons être proactifs et comprendre que défendre le statu quo qui a échoué au court des dernières décennies n’est pas suffisant. En fait, nous devons reconnaître que les défis auxquels nous sommes confrontés sont le produit de ce statu quo ». Et Bernie de continuer en expliquant en détail ce qu’est ce « statu quo » contre lequel on doit se battre si on veut que notre combat contre l’autoritarisme ne soit condamné d’avance à l’échec : « Notre travail consiste donc à ne pas accepter le statu quo, ni à accepter des niveaux colossaux de richesse et d’inégalité de revenus, où les 1 % les plus riches de la population mondiale possède la moitié de la richesse de la planète, tandis que les 70 % les plus pauvres de la population en âge de travailler ne représentent que 2,7 % de la richesse mondiale. Il ne faut pas accepter le déclin du niveau de vie de nombreux travailleurs dans le monde, ni accepter la réalité de 1,4 milliard de personnes vivant dans l’extrême pauvreté, alors que des millions d’enfants meurent de maladies facilement guérissables ». Et aussi : « Notre travail consiste à mobiliser l’ensemble de la planète pour qu’elle résiste à l’industrie des combustibles fossiles, qui continue à générer des profits énormes, tandis que leurs émissions de carbone détruisent la planète pour nos enfants et nos petits-enfants ».

L’énumération par Bernie des maux que génère ce « statu quo » est longue et instructive. Tout y passe, de la corruption généralisée à la catastrophe climatique, et de la folie des dépenses militaires au sort inhumain réservé aux migrants et réfugiés. Mais, Sanders ne se limite pas à dresser le tableau des méfaits du néolibéralisme. Pour lui, l’important est de résister, de se battre contre chacun de ces maux, d’ouvrir des fronts de lutte, et surtout d’unifier tous ces combats dans un énorme mouvement planétaire ! La conclusion de son appel est plus qu’éloquente et nous interpelle tous et toutes de par le monde :

« Pour terminer, permettez-moi simplement de dire que pour lutter efficacement contre les forces mondiales de l’oligarchie et de l’autoritarisme, nous avons besoin d’un mouvement international qui se mobilise avec une vision commune de prospérité partagée, de sécurité et de dignité pour tous, et qui s’attaque à l’énorme inégalité mondiale qui existe, non seulement sur le plan de la richesse mais aussi du pouvoir politique.

« Un tel mouvement doit être prêt à penser de manière créative et audacieuse le monde que nous aimerions voir. Alors que l’axe autoritaire s’est engagé à démonter l’ordre mondial postérieur à la Seconde Guerre mondiale qu’il considère comme limitant son accès au pouvoir et à la richesse, il ne suffit pas que nous défendions simplement cet ordre tel qu’il existe.

« Nous devons examiner honnêtement comment cet ordre n’a pas tenu bon nombre de ses promesses et comment les autoritaires ont exploité ces échecs avec habileté afin d’obtenir un soutien pour leur programme. Nous devons saisir cette occasion pour reconceptualiser un ordre mondial fondé sur la solidarité humaine, un ordre qui reconnaît que chaque personne sur cette planète partage une humanité commune, que nous voulons tous que nos enfants grandissent en bonne santé, aient une bonne éducation et occupent un emploi décent, boivent de l’eau potable, respirent de l’air pur et vivent en paix. Notre travail consiste à rejoindre ceux qui, partout dans le monde, partagent ces valeurs et luttent pour un monde meilleur.

Les autoritaires cherchent le pouvoir en promouvant la division et la haine. Nous allons promouvoir l’unité et l’inclusion.

À une époque où la richesse et la technologie explosent, nous avons le potentiel de créer une vie décente pour tous. Notre travail consiste à bâtir sur notre humanité commune et à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous opposer à toutes les forces, qu’il s’agisse d’un pouvoir gouvernemental irresponsable ou d’un pouvoir entrepreneurial déraisonnable, qui tentent de nous diviser et de nous opposer. Nous savons que ces forces travaillent ensemble à travers les frontières. Nous devons faire la même chose ». (...)

force est de reconnaitre que cet appel vient du politicien le plus populaire des États-Unis, qui fait ce qu’il dit et dont l’honnêteté – chose très rare par les temps qui courent – est généralement reconnue et appréciée. Que son appel aille droit au cœur de l’ensemble des impasses et des malheurs de ce début du 21e siècle, sans oublier les plus terribles des problèmes existentiels qui tourmentent l’humanité. Qu’il se distingue par son réalisme, qu’il refuse tout fatalisme et passe à l’acte en faisant des propositions concrètes intéressant l’écrasante majorité des populations sans rien perdre de sa radicalité. Qu’il arrive au moment peut être le plus critique des temps modernes quand l’avenir du genre humain et de la planète tient à un fil. Et enfin, qu’on n’a pas le choix car il n’y a personne d’autre qui ose adresser à l’humanité et aux exploités une proposition d’action digne de son nom, capable de (re)donner confiance, espoir et surtout envie de lutter aux laissés-pour-compte de la barbarie néolibérale.

Alors, à chacun et à chacune de décider quelle suite donner à l’appel de Bernie Sanders. L’extrême urgence de la situation actuelle et ses terribles enjeux feront sans doute réfléchir…