
L’étude sur les OGM publiée par l’équipe du Professeur Gilles-Eric Séralini déchaine les passions. Les résultats alarmants font réagir l’industrie de l’agrobusiness. Les critiques et les doutes émis sur la méthodologie de cette recherche sont-ils fondés ? Quels enseignements peut-on réellement tirer de cette étude ? Entretien avec le biologiste Robert Bellé, qui a démontré la dangerosité du Roundup il y a 10 ans.
Robert Bellé : L’étude de l’équipe de Gilles-Eric Séralini est publiée dans un journal très coté en toxicologie. Elle a été analysée et expertisée par les « arbitres » du journal. Le protocole expérimental a donc lui aussi été expertisé. Pour une recherche de science fondamentale, ce protocole me paraît tout à fait correct. Je suis persuadé que s’il en avait eu les moyens, l’auteur aurait augmenté le nombre de rats pour renforcer ses résultats ou se serait engagé avec d’autres espèces sur des durées encore plus longues. Les résultats sont présentés avec le protocole choisi et c’est bien de cela dont il faut tenir compte aujourd’hui. (...)
Comme tout résultat scientifique, celui-ci doit être reproduit et vérifié par différentes approches et avec différents modèles. J’ai recherché si des études épidémiologiques avaient été faites sur des animaux élevés avec des plantes OGM, sur une période assez longue pour provoquer des tumeurs ou des cancers. Je n’en ai pas trouvé. Avec mes connaissances de la biologie, je peux comprendre qu’un gène étranger dans une cellule ait des conséquences sur le fonctionnement même de la cellule. Mais qu’il provoque une réaction comparable à celle du Roundup chez les animaux me surprend.
Un troisième élément m’interpelle dans cette étude : les propositions pour améliorer la réglementation actuelle. Je ne peux m’empêcher de penser au test que j’avais proposé il y a maintenant neuf ans. Il permet une analyse automatisée rapide, à haut débit et à faible coût, de produits ou combinaisons de produits, pour évaluer leur pouvoir cancérigène ou tératogène (possible altération du développement de l’embryon, ndlr). (...)
Un scientifique doit analyser les publications de façon critique et objective. Cette publication particulièrement car elle présente des résultats sur le Roundup et sur les OGM servant dans l’alimentation, dont l’impact social est majeur. Certaines critiques me paraissent cependant démesurées ou manquant nettement d’objectivité scientifique. Personnellement, j’attends avec impatience des remarques et critiques objectives, de caractère scientifique. J’espère que les pouvoirs publics prendront les dispositions pour la sécurité des citoyens si cela doit s’avérer nécessaire. (...)