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France24
Explosions à Beyrouth : Beit el Baraka, l’ONG qui veut redonner un toit aux sinistrés
Article mis en ligne le 17 octobre 2020

Couverts de louanges par les habitants des quartiers sinistrés par les explosions à Beyrouth, les bénévoles de l’ONG Beit el Baraka s’activent pour réhabiliter près de 3 000 logements endommagés et soutenir les populations démunies et fragilisées par la grave crise économique, financière et sanitaire qui frappe le pays du Cèdre.

Un peu plus de deux mois après la double explosion qui a fait près de 200 morts à Beyrouth, et qui a ravagé plusieurs secteurs de la capitale libanaise, des dizaines d’ONG locales se démènent inlassablement sur le terrain pour assister les habitants sinistrés et pallier un État aux abonnés absents.

Parmi celles-ci, l’ONG "Beit el Baraka" (Maison de la Providence) qui est engagée dans une course contre la montre pour soutenir une population laissée à l’abandon et pour réhabiliter plus de 3 000 logements endommagés le 4 août. (...)

Dans les rues de Rmeil, quartier populaire situé à quelques kilomètres du port, où des sacs de débris jonchent encore certains trottoirs, les volontaires de Beit el Baraka, masques chirurgicaux sur le visage et gilets beiges sur le dos, s’activent à l’approche des premières pluies de la saison.

Mobilisés dès le lendemain des explosions, les bénévoles se sont rendus dans les zones sinistrés pour proposer leurs services aux personnes touchées par les explosions, ou placarder leurs coordonnées sur les façades d’immeubles endommagés, afin que les absents puissent les contacter.

Leur objectif : faire réinstaller un maximum de portes et de fenêtres dans les habitations afin de permettre aux habitants de rentrer chez eux, mais aussi d’éviter des infiltrations d’eau qui causeraient encore plus de dégâts dans les appartements.

"En moyenne, il nous faut entre dix et douze jours de travail pour finir les réparations et réinstaller des portes et des fenêtres dans les appartements endommagés, cette étape, qui constitue la phase 1 de notre action, est prioritaire", indique à France 24 Elias Khalil, directeur des opérations de Beit el Baraka. "En phase 2, nous nous attachons à améliorer les conditions de vie des sinistrés, en restaurant l’intérieur des logements et en remplaçant par exemple les meubles qui ont été détruits".

L’ONG a engagé des travaux de réparation dans 3 011 logements endommagés par les explosions du 4 août au port de Beyrouth.
L’ONG a engagé des travaux de réparation dans 3 011 logements endommagés par les explosions du 4 août au port de Beyrouth. © Marc Daou, France 24

"Les travaux sont confiés à des artisans ou à des entrepreneurs qui, en échange de l’attribution du chantier par l’ONG, qui finance l’intégralité des coûts, proposent des prix réduits", explique Georges Abou Arraj, architecte et chef de projet bénévole au sein de Beit el Baraka, en tournée d’inspection à Rmeil. Une fois les réparations dûment terminées, Beit el Baraka règle la facture.

Un système gagnant-gagnant, qui permet à l’ONG de faire des économies et de donner du travail à des entrepreneurs en difficulté, alors que le pays fait face à une crise économique aiguë doublée d’une crise monétaire, qui a gonflé un taux d’inflation déjà très élevé. (...)

Après avoir connu sur le plan personnel une année noire, durant laquelle il a perdu sa mère, sa grand-mère et son oncle en l’espace de six mois, en plus de la perte de son emploi, le jeune architecte avait décidé de quitter le pays du Cèdre, avec sa compagne, elle-même employée au sein d’une ONG. "Je voulais trouver un monde meilleur et construire mon avenir, parce que l’herbe est toujours plus verte ailleurs qu’au Liban. Mais les explosions du 4 août ont changé la donne et mon cœur m’a ordonné de rester pour aider avant de tout quitter".

Georges Abou Arraj a rejoint les rangs de Beit al Baraka en septembre, un mois après la tragédie. Depuis, il y a trouvé toute sa place. (...)

"Leur rôle est vital car nous n’avons pas d’État"

Lors de chacune de ses tournées dans les quartiers où l’ONG est active, il peut mesurer l’impact de son engagement auprès des populations qui se montrent très reconnaissantes à l’égard de ceux qu’elles considèrent comme des super-héros.

"Ils font un travail exceptionnel, ils passent tous les jours, deux à trois fois par jour, ils inspectent tout, ce sont des anges-gardiens qui travaillent avec le cœur, regardez-moi cette nouvelle fenêtre qu’ils m’ont installé ! Elle est splendide, la qualité est top !", s’enthousiasme dans la langue de Molière Wadad Abou Khaled, professeure de littérature arabe à la retraite, et habitante d’une résidence, construite dans les années 1930 par les jésuites français. (...)

Cette reconnaissance est une bouffée d’oxygène pour Georges Abou Arraj et ses acolytes. "Ça nous réchauffe le cœur et donnent du sens à notre action, concède-t-il, un peu gêné devant tant de louanges. Cela nous motive encore plus à aider nos concitoyens, c’est pour soulager leurs souffrances que je me suis engagé dans cette ONG". (...)

Fondée en 2018, l’ONG était destinée au départ à venir en aide aux personnes âgées isolées ou en grande difficulté. "Au départ nous aidions les retraités, qui ont épuisé leurs indemnités de fin de service et leurs économies, en leur proposant trois services, précise Maya Chams Ibrahimchah. Nous avons créé un supermarché gratuit, dans lequel nos bénéficiaires peuvent faire leurs courses en toute dignité en choisissant leurs produits, puis pris en charge les loyers impayés et la réhabilitation des appartements devenus insalubres au fil des années, et enfin mis à disposition un service médical pour les soigner".

Et d’ajouter : "l’explosion du 4 août a tout changé pour nous, nous ne sommes vraiment plus dans un cadre normal, puisque nous sommes passés soudain d’une petite ONG à une ONG qui se devait d’apporter son aide à 8 % de la population libanaise".

Beit el Baraka a reçu jusqu’ici 1,8 millions de dollars depuis l’explosion, "mais nous attendons plus de dons, car nous avons besoin de minimum 4 millions de dollars pour pouvoir venir en assistance à tous ces gens et mener tous les projets qui préexistaient à l’explosion", indique Maya Chams Ibrahimchah, assise à son petit bureau, situé à l’entrée du supermarché gratuit.

"Nous ne pourrons pas tout reconstruire uniquement avec l’aide de particuliers, car les donations ne suffisent pas, et on n’y arrivera jamais si les Nations Unies et plusieurs pays du monde ne débloquent des fonds", poursuit-elle, alors que selon la Banque mondiale, les explosions de Beyrouth ont infligé 4,6 milliards de dollars de dommages aux infrastructures et aux biens matériels.

Et de conclure : "nous avons besoin de cet argent, nous avons reçu beaucoup de nourriture et de médicament, c’est très bien, mais on ne peut pas reconstruire une ville avec des pois chiches et des antibiotiques. C’est pour cela qu’il faut continuer à parler du Liban, ne nous oubliez pas trop vite, nous avons encore besoin de votre attention".