
Ce mardi, le projet de loi immigration était discuté à l’Assemblée. Pour Darmanin, un exercice d’équilibriste pour draguer les LR sans aller trop loin pour certains macronistes. Pour l’extrême-droite : l’occasion de surenchérir sur ses thèmes de prédilection.
(...) Cette fois, pas question de laisser les députés Renaissance s’abstenir ou ne pas prendre part au vote. L’offensive sécuritaire et xénophobe du gouvernement doit passer, non seulement avec l’adhésion de l’ensemble de la majorité, mais aussi avec le soutien de la droite. C’est avec ces deux objectifs que Gérald Darmanin et Catherine Colona, Élisabeth Borne et Olivier Dussopt sont venus tour à tour défendre le projet de loi devant l’Assemblée. Si les ministres prétendent conjuguer « humanité » et « fermeté », il s’agit d’une loi fondamentalement répressive. (...)
Présenté dans ses grandes lignes dans les colonnes du Monde et réaffirmé par les ministres ce mardi, le projet de loi vise avant tout à durcir la répression envers les personnes sans-papiers et à satisfaire les besoins en main d’œuvre du patronat dans les secteurs dits « sous tension », notamment dans le bâtiment, la restauration, l’agriculture - ou encore pour les « prêtres » ajoute Darmanin.
Un tri xénophobe et raciste aux frontières, entre une « bonne » et une « mauvaise » immigration (...)
Ouvert par une référence à Jacques Bainville, figure antisémite de L’Action Française, le discours de Darmanin devant l’Assemblée marque un saut dans la réappropriation du discours de l’extrême-droite par le gouvernement, associant directement l’immigration à la délinquance.
Il a précisé quelques mesures qui seront contenues dans le projet de loi, notamment : la facilitation des expulsions qui seront prononcées par OQTF dès la demande d’asile rejetée ; la limitation des recours possibles en cas de rejet de la demande d’asile ; le renforcement du système pénal de la « double peine » pour les étrangers ; le conditionnement d’un titre de séjour long à la réussite d’un examen de langue française ou encore une plus forte concentration des étrangers délinquants dans les centres de rétention administrative (CRA). Et, contrairement à ce que prétend le gouvernement, il n’y a là aucun « antidote » aux extrêmes : l’orientation du gouvernement pave la voie à l’extrême droite et, en normalisant ses idées, invite le RN à radicaliser sa démagogie raciste.
Les LR aussi sont poussés vers les positions du RN pour se montrer plus durs que le gouvernement (...)
De son côté, le RN navigue dans ses thèmes de prédilection. (...)
Invité dans la même journée à défendre sa proposition de loi au micro de France inter, le député RN a pu ainsi, sans grande réaction, appeler à expulser les « bêtes sauvages qui agressent, qui tuent, et qui restent sur notre territoire », pour désigner les étrangers visés par une OQTF.
Alors que le gouvernement cherche à donner à son offensive un vernis « social » à travers la question du permis de séjour pour les travailleurs dans certains secteurs, il est essentiel de dénoncer la logique xénophobe et raciste de l’ensemble de ce projet de loi. Loin de toute préoccupation « humanitaire », ce dernier ne vise qu’à façonner les flux migratoires au service du patronat et à diviser les travailleurs en mobilisant des stéréotypes xénophobes et racistes.
C’est pour cela qu’il est fondamental que toutes les organisations politiques de gauche et les organisations syndicales prennent position contre l’ensemble de ce projet de loi (...)
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– Loi immigration : pour Elisabeth Borne, « parler d’immigration, c’est dire qui on veut et qui on ne veut pas accueillir »
– la Cimade
Alors qu’une énième loi sur l’asile et l’immigration est annoncée pour le premier semestre 2023, le débat public se focalise encore sur l’assimilation entre « immigration » et « délinquance » et l’éternel diptyque « enfermer/expulser ». Le tout dans un climat politique et médiatique délétère d’incitation à la haine et au racisme largement alimenté par l’extrême-droite, qui ne fait qu’accroître la stigmatisation et la précarisation des personnes migrantes et exilées.
Face à l’instrumentalisation des questions migratoires en France, il est urgent de se mobiliser pour défendre celles et ceux qui vivent un cauchemar quotidien bien réel. La Cimade propose de changer de regard sur les personnes exilées en déconstruisant les idées fausses et en changeant de prisme pour envisager autrement la question des migrations.
La France est-elle dépassée par des « flux d’immigration irrégulière » ?
Les propos tenus par nombre de responsables politiques ces dernières semaines laissent entendre que la France serait envahie par des « flux d’immigration irrégulière ». Pourtant, en 2021, le nombre de personnes sans-papiers ne représenterait que 0.52 %¹ à 1 %² de la population totale française.
Les personnes sans-papiers abusent-elles des droits et prestations sociales ?
La seule protection sociale accessible aux personnes sans-papiers concerne l’aide sociale à l’enfance et l’aide médicale d’Etat. Les personnes sans-papiers sont exclues de l’accès à toutes les autres prestations sociales même quand elles ont un travail et un employeur, et quand elles payent les mêmes cotisations et impôts que les autres.
Les personnes étrangères sont-elles réellement plus délinquantes ?
En 2020, sur 396 048 condamnations prononcées par les juridictions pénales, seules 73 523 d’entre elles concernaient des personnes étrangères, soit 18.56%³
La surreprésentation des personnes étrangères condamnées et des personnes étrangères incarcérées au regard de leur nombre au sein de la population française, s’explique par les traitements discriminatoires dont elles sont l’objet, par les inégalités socio-économiques et territoriales ou par l’existence d’infractions qui ne peuvent être commises que par des personnes étrangères (par exemple. : refus de test PCR, refus de rendez-vous au consulat, refus monter dans l’avion etc.).
Nos équipes agissent !
La Cimade grâce à ses actions de sensibilisation (films, jeux d’animation, expositions, guides pratiques…), va à la rencontre de l’opinion publique pour combattre les stéréotypes et les préjugés et faire changer les regards sur les personnes étrangères et les migrations.