Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Regards
Eyal Sivan : « Israël ne veut plus convaincre, mais devenir attractif »
Un boycott légitime – Pour le BDS universitaire et culturel de l’État d’Israël, de Eyal Sivan et Armelle Laborie. La fabrique éditions, 10 euros.
Article mis en ligne le 9 février 2017
dernière modification le 3 février 2017

Dans Un boycott légitime , le cinéaste Eyal Sivan signe avec Armelle Laborie un plaidoyer pour le boycott culturel et académique d’Israël. Il dévoile comment les autorités israéliennes sont passés de la propagande classique à une approche plus marketing.

Regards. Pourquoi les dimensions culturelles et universitaires de la campagne de boycott de l’État d’Israël suscitent autant de débat et de controverses ?

Eyal Sivan. Il y a deux raisons à cela. La première, c’est l’idée répandue selon laquelle ces deux champs, culturel et universitaire, se situent au-delà des querelles politiques et qu’ils ne doivent pas faire l’objet d’actions de boycott puisque, par nature, ils seraient des plateformes d’échange et des lieux de dialogues. La seconde tient à une mauvaise compréhension de la nature de l’appel au boycott. Certains considèrent que la campagne appelle à boycotter les individus, artistes et/ou universitaires, et que cela n’est pas soutenable. Or cet argument, qui en fait relève plus de la mauvaise foi que de l’incompréhension, ne tient pas. L’appel initial de BDS [1] est très clair à ce sujet : il s’agit bien de boycotter les institutions israéliennes académiques et culturelles.

Concrètement, vous montrez que l’université est très loin d’être un espace neutre en Israël, notamment de par les liens étroits qu’elle entretient avec l’institution militaire...

Oui, et cela va au-delà du symbolique et du seul constat, réel, que l’université israélienne reste très silencieuse quand il s’agit de condamner l’occupation. La réalité est que, en Israël, l’Université déploie une collaboration active avec l’armée à trois niveaux : la recherche et la mise au point de l’appareil sécuritaire ; le développement de l’argumentaire de propagande ; la fabrique de la discrimination qui s’exerce dans toute la société à l’égard des arabes israéliens. On est donc bien loin de la vocation de l’université comme espace d’échange. Les liens étroits de l’université israélienne avec l’armée en font plutôt une institution semi-civile. (...)

dans le cas d’Israël, les critères de soutien ne sont pas artistiques ou culturels, mais simplement ceux du renforcement de l’image positive du pays. Ce qui conduit à un paradoxe intéressant : au nom de cet intérêt majeur, les autorités israéliennes, c’est à dire l’administration et les officines type CRIF en France, en viennent à soutenir des œuvres qui, à première vue, peuvent sembler critiques envers la politique israélienne. De fait, cela sert l’idée selon laquelle Israël est bien une démocratie pluraliste "comme vous" puisque elle laisse place à de telles productions. Il ne s’agit pas pour moi de me prononcer sur les qualités cinématographiques de ces oeuvres, mais de constater qu’elles se prêtent à la propagande. Et que leurs auteurs deviennent en quelque sorte des "opposants officiels". Avec, en plus, une remarque importante : dans ces films, la première figure victimaire est l’Israélien lui-même. On n’est pas dans la remise en question fondamentale de l’occupation et de ses conséquences mais dans une approche, très fréquente en Israël, relevant du "on tire et puis on pleure" qui consiste à se livrer à une critique… mais toujours a posteriori. (...)