
« L’Oréal est-il un géant vert ? ». Vendredi 22 janvier 2016, c’est ainsi que Le Parisien magazine intitulait son « dossier » consacré à l’écologie, avec cette question qui promettait une enquête sans concession : « Réalité ou poudre aux yeux ? » Ayant déjà constaté que le traitement médiatique de l’écologie par Le Parisien (mais pas seulement !) « épouse [souvent] la logique marchande au mépris de l’environnement », nous avions quelques raisons d’être méfiants, craignant que l’« enquête » du Parisien relève plutôt de la « poudre aux yeux » que de la « réalité ». Mais nous avons quand même été surpris par l’ampleur de la supercherie : le « dossier » en question s’apparente purement et simplement à un publi-reportage, qui a pour seule originalité de se présenter comme une investigation impitoyable.
Une enquête de « terrain » ?
Le titre du dossier, « L’Oréal est-il un géant vert ? », aurait pu être celui d’une enquête qui, conduite avec rigueur, sérieux et indépendance, n’aurait pas été dénuée d’intérêt. Or on en est très loin. Le dossier s’ouvre par un texte de trois paragraphes, qui en est à la fois l’introduction, la conclusion, et qui rend compte des « investigations » menées par la journaliste du Parisien ; le reste de ce dossier de 5 pages est en effet constitué de l’interview du PDG de L’Oréal (sur 3 pages), la dernière étant réservée au « regard critique de trois experts ». On y reviendra.
Le texte d’ouverture est un modèle du genre… publi-reportage. Évoquant le programme lancé par le PDG, visant à faire de L’Oréal une « “entreprise durable”, respectueuse de l’environnement et des populations locales », l’auteure annonce que « ses 80000 salariés sont sur le pont » – même si « le groupe, cité en exemple par plusieurs institutions internationales pour cet engagement, reste discret sur le sujet ». Pourquoi cette discrétion ? « De peur d’être taxé de greenwashing », explique l’auteure, car « les consommateurs sont très méfiants ». Heureusement, cette méfiance n’est pas universellement partagée, et il se trouve encore quelques journalistes disposés à faire connaître la « réalité des engagements » pris par de grandes entreprises trop modestes. (...)
Le « terrain » arpenté par la journaliste se cantonne à trois sites français : le siège de L’Oréal, un laboratoire de recherche et une usine. (...)
Des chiffres « maison » ?
Sur la première page du dossier, Le Parisien choisit de mettre en avant trois chiffres-clés, censés illustrer la réussite de L’Oréal en matière environnementale. Surprise : ces chiffres sont tous favorables à L’Oréal… et pour cause : ils sont directement issus du document « L’engagement de L’Oréal en matière de développement durable », rédigé par L’Oréal. (...)
La journaliste du Parisien reprend donc telle quelle la communication de L’Oréal, sans vérifier ces chiffres, ni même en indiquer la source ! Une confiance qui surprend puisque la même journaliste note, on l’a vu, à propos de la démarche environnementale des entreprises, que « les consommateurs sont très méfiants, et souvent à juste titre ». Et les journalistes du Parisien ? (...)