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Mémoire des luttes
Face à la vulnérabilité de nos sociétés, ce que porte la Décroissance
Article mis en ligne le 14 septembre 2013
dernière modification le 10 septembre 2013

Les conditions environnementales déterminent les conditions sociales. Si l’on pense la question de l’accès aux ressources naturelles et aux biens communs, on discerne le lien indissociable entre écologie et justice sociale. La vulnérabilité des individus que nous connaissons et acceptons dans la nature ne correspond pas avec une certaine idée que nous nous faisons de la démocratie lorsque cette première est produite par le collectif. Ce qui était de l’ordre du naturel, ce que Darwin appelait « sélection naturelle », est devenu structurel dans les sociétés humaines. Quelle légitimité accorder à ce mécanisme darwinien dans le cadre de la justice sociale ?

Dans notre système capitaliste et productiviste, les riches transfèrent leurs dommages environnementaux aux pauvres. Ce « transfert du risque » a été conceptualisé par le professeur de science politique américain Jacob S. Haker. Regardons simplement la localisation, dans les régions les plus pauvres du monde, des sites de pollution ou de gestion des produits dangereux. Depuis longtemps, les phénomènes de transfert de risques ne concernent pas uniquement les capitaux. L’oligarchie toute entière organise sa protection sur le dos des plus faibles. Au-delà du simple fait de posséder ou non des biens, c’est l’exposition au(x) risque(s) qui est exacerbée par ce type de contrat social. Tout le jeu de la société de la croissance est de « déprotéger » ceux qui sont déjà vulnérables. Elle organise ainsi la misère, et canalise la population par le régime de la peur. Appartenance à telle ou telle catégorie sociale, isolement, localisation géographique constituent les critères qui déterminent les contours réels du droit à la vie pour chaque individu. Tous les conflits sociaux modernes sont liés à ces nouveaux risques. C’est ce que le sociologue allemand Ulrich Beck [3] nomme la « société du risque ».

L’extrême marchandisation de l’ensemble du monde, la spéculation sur les biens communs, l’accaparement des terres, l’exploitation à outrance des ressources dans le but de réaliser toujours plus de profit, multiplient, depuis des décennies, des logiques mortifères. (...)

Prenons le temps de considérer l’homme avec ce qui l’environne. Prenons conscience de l’ensemble des services éco-systémiques existants. Ce sont eux qui assurent pleinement notre humanité.

Toute l’astuce est de trouver à présent, la (les) voie(s) pour concilier la réduction de la pauvreté avec le bien-être à court et à longs termes. Comment réconcilier, d’un côté, un horizon social à court terme intégrant l’urgence de survivre, ici et maintenant… et, d’un autre, celui, à long terme, constitué par la richesse véritable des habitants de la planète qui se trouve dans la préservation des services eco-systémiques ? Le système capitaliste n’a pas su résoudre cette équation.

Il faut faire preuve d’audace, sans attendre. C’est ce que nous propose la Décroissance [5], en réconciliant l’écologie et l’humain. La Décroissance introduit une critique radicale de notre société de consommation, sans hypothéquer nos acquis démocratiques, sociaux ou culturels, et sans empiéter sur l’avenir. Elle propose une remise en question profonde de notre organisation sociétale afin de « faire mieux avec moins ».

La communauté humaine et politique n’est pas simplement composée d’hommes et de femmes, comme le soulignait l’écologiste américain Aldo Leopold. « L’éthique de la terre, écrivait-il en 1949,élargit simplement les frontières de la communauté de manière à y inclure le sol, l’eau, les plantes et les animaux ou, collectivement, la terre (...). Nous abusons de la terre, parce que nous la considérons comme une chose nous appartenant. Quand nous la considérerons comme une communauté à laquelle nous appartenons, nous pourrons commencer à l’utiliser avec amour et respect. » [6] Il est urgent de renoncer à concevoir l’homme in abstracto. Et, surtout, à cultiver la croyance selon laquelle nous pourrions, ou devrions, procéder à un arbitrage entre les hommes et la terre (...)

Quand les inégalités sociales se renforcent dans un pays, se renforcent avec elles les inégalités écologiques, et vice et versa. Derrière chaque crise sociale et chaque crise écologique, il y a crise des inégalités. C’est un cycle non vertueux, destructeur, deshumanisant.

Une démarche vers plus de démocratie s’orienterait autour de la question de savoir comment redonner du pouvoir d’agir, de la décence commune, pour se réapproprier la « chose politique ». En cela, toutes les initiatives citoyennes à l’œuvre en France, en Europe et ailleurs, prises pour promouvoir la mise en place d’un revenu de base inconditionnel sont stratégiques, profondément démocratiques et incontournables. Bien au-delà, le projet de société de Décroissance porté par le Manifeste pour une dotation inconditionnelle d’autonomie (DIA) couplée à l’existence d’un revenu maximum acceptable (RMA), constitue un formidable levier démocratique pour lutter contre la vulnérabilité sociale, l’insécurité et, par conséquent, contre les inégalités environnementales [8]. (...)