
Comme toujours, l’interpellation fait mouche. Elle émane du collectif Jeudi noir et de l’association Droit au logement (DAL), qui luttent contre la cherté des prix de l’immobilier et le mal-logement. « Oseront-ils procéder à des expulsions de mal-logés qu’ils dénonçaient vigoureusement voici quelques mois quand elles étaient menées par la droite ? La moitié du gouvernement nous soutenait dans notre combat avant d’être aux commandes. On va voir s’ils ont changé aujourd’hui. »
Cette réaction, qui intervient à la suite de l’occupation éphémère par leurs militants d’un immeuble de bureaux à Paris, mardi 11 septembre, illustre les interrogations qui, depuis l’élection de François Hollande, traversent bon nombre d’associations qui travaillent sur les questions de logement, d’exclusion et d’immigration : comment rester combatives et crédibles face à un gouvernement de gauche avec lequel on partage des combats ou tout au moins une grande partie de l’idéologie ? (...)
Seules quelques associations rejettent l’empressement de leurs camarades à répondre aux invitations des ministères. « C’est un mécanisme que l’on connaît assez bien à chaque fois que la gauche arrive au gouvernement. Ça a déjà été le cas en 1981 et en 1997″, explique Claire Rodier, membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), une association spécialisée dans le conseil juridique aux étrangers.
Depuis les années 1990, le Gisti a fait le choix de rester en marge, même s’il est membre de plusieurs collectifs qui discutent avec l’exécutif. Un choix entériné avec la déception, en 1997, qui a suivi les régularisations limitées accordées par Lionel Jospin. « L’expérience nous a montré qu’on était embarqué dans des négociations très longues, avec des résultats souvent décevants », raconte Mme Rodier.
Pour d’autres raisons, Jeudi noir n’utilise pas non plus le canal ministériel pour faire passer ses idées. « Nous n’avons pas fait de demande en bonne et due forme de rendez-vous avec la ministre, car nous préférons faire avancer les choses par d’autres moyens, notamment la voie parlementaire, ce qui est souvent plus efficace », explique M. Domergue.
Quels que soient leurs états d’âme vis-à-vis du gouvernement, les responsables associatifs pourraient être rattrapés par la réalité du terrain. « Si nos prises de position ne sont pas en phase avec ce que ressentent nos adhérents, qui sont très divers et sont directement confrontés aux difficultés sociales, ils ne manquent pas de nous le faire savoir », explique Matthieu Angotti, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), qui regroupe plus de 800 associations de solidarité. Et d’ajouter : « Les 100 jours sont passés et nous sommes revenus au même point. Le contexte l’emporte déjà largement sur la couleur politique. »