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Face au refus de tout dialogue chez Amazon, les syndicats européens coordonnent leurs actions
Article mis en ligne le 8 février 2018

Chez Amazon, le « dialogue social » a du plomb dans l’aile, et n’a même jamais décollé. En Allemagne comme en France, les syndicats luttent bec et ongle pour obtenir l’application de la convention collective, des revalorisations salariales ou la préservation de la santé au travail. Ils se heurtent systématiquement à une fin de non recevoir de la direction. Le conflit se durcit, et les grèves se multiplient. Tout en cherchant à consolider leur implantation sur le terrain, les syndicats commencent à coordonner des actions entre les différents pays.

Amazon vient d’annoncer avoir conclu un accord à l’amiable avec l’administration de Bercy, alors qu’elle était sous le coup d’une procédure de redressement fiscal dépassant les 200 millions d’euros. Le géant du commerce en ligne a également été sanctionnée au niveau européen pour ses pratiques d’optimisation fiscale via son siège régional installé au Luxembourg. Une certaine propension à fuir l’impôt et sa contribution à l’intérêt général n’est pas la seule marque de fabrique d’Amazon. En matière de « dialogue social », la multinationale dirigée par l’ultra-libéral Jeff Bezos semble avoir aussi bien des progrès à réaliser. Mais en Allemagne, en France et ailleurs en Europe, syndicalistes et salariés ne se laissent pas impressionner.

« Le conflit social le plus triste d’Allemagne » : voici comment le quotidien de gauche allemand la Taz qualifie fin décembre la mobilisation des travailleurs d’Amazon qui dure maintenant depuis cinq ans outre-Rhin ! La multinationale y emploie au moins 12 000 personnes, soit deux fois plus qu’en France. Un chiffre qui peut doubler au moment des pics de commandes, comme lors de Noël [1]. Amazon vient d’ouvrir un neuvième site en Allemagne. Six autres sont en construction.

En Allemagne, bras de fer autour de la convention collective (...)

Une reconnaissance de la convention collective signifierait des hausses de salaires immédiates. « Amazon tire les salaires vers le bas dans la branche », observe le syndicat Verdi. Depuis cinq ans, malgré des grèves répétées, l’entreprise ne semble pas avoir la moindre intention de céder. Plutôt que d’entamer des discussions avec ses salariés, Amazon vient de déposer aux États-Unis des brevets destinés à développer un bracelet électronique qui traquerait le moindre mouvement de ses travailleurs [2] au sein de ses gigantesques entrepôts. (...)

En France, un préavis de grève en cours depuis plus d’un an

En Allemagne, plus d’un tiers des salariés d’Amazon sont syndiqués, selon Verdi. En France, c’est beaucoup moins. « Il est difficile de s’organiser », admet Alain Jeault, délégué de la CGT à Chalon-sur Saône. Le géant de commerce en ligne exploite cinq plateformes dans l’hexagone, et y emploie 6000 salariés. En France aussi, négocier avec la direction est une gageure (...)

Comme en Allemagne, la raison principale du conflit est l’application de la convention collective, dont relève l’entreprise, celle du commerce de détail non alimentaire. En France, les conventions collectives – lorsqu’elles sont dites « étendues » – s’imposent à toutes les entreprises du secteur. Pourtant, Amazon peine à l’appliquer réellement lorsqu’il s’agit des salaires, selon les syndicats.

« Nous menons des procédures aux Prud’hommes depuis plus de six mois, pour une vingtaine de salariés, afin qu’Amazon fasse réellement appliquer la convention collective, rapporte l’avocat des salariés concernés, (...)

« Les salaires sont plus élevés sur les sites où il y a le plus de grèves » (...)

Un salarié qui intègre Amazon en France est payé dix euros bruts de l’heure, soit très légèrement plus que le Smic horaire, fixé à 9,88 euros bruts. En Allemagne, « les salaires varient de 10,5 à 12 euros bruts de l’heure, selon les sites, signale Thomas Voss. Depuis cinq ans et le début des grèves, il y a des augmentations tous les ans. Ce n’était pas le cas avant. Et les salaires sont plus élevés sur les sites où il y a le plus de grèves, se réjouit-il. Verdi voit donc, en fin de compte, des effets positifs de la confrontation en cours depuis 2013. Et ne veut pas lâcher.

En Pologne, des salariés payés moins de cinq euros de l’heure (...)

Amazon construit de nouveau sites un peu partout sur le continent, y compris dans des pays où les salaires sont bien moins élevés qu’en Allemagne ou en France. En Pologne, Amazon compte cinq sites logistiques et y emploie 10 000 personnes, sans compter les intérimaires. « Le salaire moyen dans les sites polonais d’Amazon varie de 3,86 à 4,34 euros de l’heure, rapporte Grzegorz Cisoń, délégué du syndicat polonais Solidarność. Amazon n’est pas disposé à négocier sur les salaire, et agit conter la loi polonaise », ajoute-t-il.

Ébauche d’une coordination européenne des syndicats d’Amazon
Les salariés d’Amazon à travers toute l’Europe se coordonnent face à la multinationale. Les représentants syndicaux en Allemagne, en France, en Grande Bretagne, en Pologne, en Italie, aux USA, en République tchèque, se réunissent plusieurs fois par an. En novembre, une grève commune a même été organisée en Allemagne et en Italie lors du Black Friday, journée de soldes hyper-agressives importée des États-Unis. C’était la première grève des salariés italiens d’Amazon. En mars, c’est justement à Rome que leurs représentants de toute l’Europe se retrouveront pour coordonner leurs actions.

Une récente nouvelle peut donner de l’espoir aux syndicats européens en lutte face à l’inflexible direction d’Amazon. Une autre entreprise connue pour sa fermeture à tout dialogue a finalement cédé : fin janvier, la compagnie aérienne low cost Ryanair, qui fait travailler une partie de ses pilotes sous statut d’indépendant (voir notre article), a enfin reconnu un syndicat de pilotes comme une instance représentative [4]. Instance avec laquelle la direction va, au moins, commencer à discuter.