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La vie des idées
Faire vivre l’égalité La lutte contre les discriminations au travail
Vincent-Arnaud Chappe est sociologue, chargé de recherche au CNRS, membre du Centre d’étude des mouvements sociaux – EHESS.
Article mis en ligne le 7 janvier 2020

Le recours en justice des victimes de discriminations produit des effets ambivalents. Loin de faciliter la réparation, l’arme du droit inscrit le salarié dans un parcours du combattant d’autant plus périlleux qu’il est parfois compliqué par les stratégies politiques des syndicats et des associations.

À quelques mois du vingtième anniversaire des Assises de la citoyenneté, qui ont mis la lutte contre les discriminations racistes au cœur de l’agenda politique, il est plus temps de revenir sur les effets des avancées politiques sur l’égalité au travail, caractérisées par le renforcement des protections offertes par le droit contre toutes les discriminations (racistes mais également sexistes, liées au handicap, à l’activité syndicale, à l’orientation sexuelle, etc.). Si la dernière décennie a vu monter en puissance des actions extra-judiciaires relevant de formes de soft law (Bereni, 2009), le droit reste une ressource majeure pour les victimes. Il est régulièrement étoffé et mobilisé, comme l’atteste la récente victoire de 850 cheminots marocains ayant attaqué la SNCF pour discrimination liée à leur nationalité (Chappe et Keyhani, 2018).

Pour comprendre les dynamiques sociales d’usage de ce droit, il faut se placer au plus près de celles et ceux qui s’en saisissent. Dans la perspective d’une analyse des « itinéraires de réparation » (Barbot et Dodier, 2009), cet essai revient sur les parcours des victimes devant les tribunaux – bien souvent un parcours de combattant – et sur les stratégies judiciaires mises en œuvre par les associations et syndicaux pour les épauler. Cette focale d’observation amène à recenser et analyser les contraintes auxquelles font face les acteurs, mais également les compétences qu’ils déploient et les solutions qu’ils élaborent pour faire vivre l’égalité.

Trois enjeux principaux forment les horizons autour desquels les acteurs agissent et se positionnent : l’enjeu du passage du droit, c’est-à-dire celui de faire qualifier par les tribunaux les situations de discrimination en tant que telles ; l’enjeu de justice lié à la réparation à la fois matérielle et symbolique des victimes ; l’enjeu politique, c’est-à-dire la visée d’une évolution des pratiques et des règles en vigueur dans les mondes du travail. À partir de l’analyse des formes de mobilisations, on essaiera d’expliquer pourquoi les discriminations racistes restent encore aujourd’hui le grand perdant de la lutte contre les discriminations au travail (...)