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Greek Crisis
Fantômes et fantasmes
Article mis en ligne le 10 avril 2015

(...) Ce pays aux hommes pénétrés de modestie obligatoire n’accorde plus le moindre crédit aux forces surnaturelles des “Institutions”, tandis que le gouvernement n’informe plus vraiment de la teneur des discussions et des autres négociations en cours, entre Alexis Tsípras et Vladimir Poutine à Moscou, comme par exemple, entre Yanis Varoufákis et Christine Lagarde aux États-Unis. Seules certitudes avérées... la démission cette semaine toujours du représentant de la Grèce auprès du FMI, le versement d’une ranche de 433 millions d’euros au FMI par la Grèce jeudi 9 avril, ainsi que les six milliards d’euros que la Russie verserait à la Grèce prochainement (dans le cadre d’un accord lié aux futurs gazoducs), d’après une certaine presse en tout cas.(...)

Les Grecs ont littéralement vidé leurs comptes et nombreux sont ceux (en dehors du 25% des possédants), qui épuisent ainsi leur ultime épargne alors placée... sous les matelas, selon l’expression si bien consacrée. Les banques, déjà vidées de sens, sont enfin vides tout court. (...)

Dimítris Christoúlas avant de se suicider, avait rédigé ce bref message : “Le gouvernement d’occupation de Tsolákoglou a littéralement anéanti tous mes moyens de subsistance, qui consistaient en une retraite digne, pour laquelle j’ai cotisé pendant 35 ans, (sans aucune contribution de l’État). Mon âge, ne me permet plus d’entreprendre une action individuelle plus radicale (même si je n’exclus pas que si un grec prenait une kalachnikov je n’aurais pas été le deuxième à suivre), je ne trouve plus d’autre solution qu’une mort digne, ou sinon, faire les poubelles pour me nourrir. Je crois qu’un jour les jeunes sans avenir, prendront les armes et iront pendre les traîtres du peuple, sur la place Sýntagma, comme l’ont fait en 1945 les Italiens pour Mussolini, sur la Piazzale Loreto, à Milan”.

Pour ce qui nous revient de la grande histoire, notons que le général Geórgios Tsolákoglou, signataire de l’armistice avec les forces allemandes, fut le premier chef de gouvernement grec sous l’Occupation, nommé par les nazis (avril 1941- décembre 1942). Son nom en Grèce, est synonyme de “collaborateur”. Voilà pour le contexte disons très historique.

J’avais aussitôt compris que devant l’acte, ainsi qu’en considérant l’endroit... élu par Dimítris Christoúlas pour commettre son ultime geste politique, nous assisterions d’emblée à la création d’un nouveau lieu de mémoire, s’agissant de celle bien entendu de la crise grecque. Rapidement, durant toute la journée du 4 avril, la nouvelle du suicide de la place de la Constitution fit son chemin. À part les médias, la rue avait été aussi un vecteur essentiel quant à la propagation de la nouvelle, à la portée cependant réelle, palpable. Car c’est précisément ce vecteur essentiel qui est créateur de lien politique. (...)

Trois ans après, les faits sont là comme on dit parfois en Grèce, graves, hésitants et autant incertains. Un collectif (proche de) SYRIZA, ainsi que la famille Christoúlas, ont appelé au recueillement devant l’arbre. La foule des badauds, affairée et relativement indifférente passait son chemin. Certains pourtant, hommes et femmes plutôt âgés, s’y sont recueillis devant l’arbre les larmes aux yeux. (...)

Trois ans après, les faits sont là, graves, hésitants et incertains et pourtant. Le Parlement grec érigera un petit monument en ce lieu, enfin. Sa présidente, Zoé Konstantopoúlou, a annoncé mardi 17 mars 2015 lors d’une conférence de presse la constitution d’une Commission d’audit de la dette publique grecque. Cette commission sera coordonnée sur le plan scientifique par Éric Toussaint, porte parole du CADTM International et ancien membre de la commission d’audit de la dette équatorienne en 2007-2008.

“L’objectif est de déterminer l’éventuel caractère odieux, illégal ou illégitime des dettes publiques contractées par le gouvernement grec, le peuple a le droit de demander que la partie de la dette qui est illégale - si cela est avéré à l’issue de la commission - soit effacée”, a déclaré la présidente du Parlement grec.

Par un certain hasard (?) du calendrier, le lancement officiel de cette Commission d’audit de la dette publique grecque a eu précisément lieu ce 4 avril, Zoé Konstantopoúlou, Éric Toussaint et certains autres membres de la Commission, se sont autant recueillis devant l’arbre de Dimitri. J’ai brièvement échangé avec Éric Toussaint (je l’avais rencontré déjà en mai 2011, dans le cadre d’une conférence organisée à Athènes lors du lancement de la structure précédant cette Commission officielle), il estime que de résultats probants seront publiés dès juin prochain. (...)

“Une fois les résultats de cette commission connus, et pour peu qu’ils concluent à l’illégitimité d’une partie de la dette grecque, rien n’obligera cependant les créanciers du pays à accepter le principe d’un effacement pur et simple de leurs créances. Mais le gouvernement grec pourra alors prendre la décision souveraine de ne pas payer”, assure Éric Toussaint. “Notre commission a pour but de donner des arguments solides et scientifiques pour soutenir, ensuite, une décision politique qui appartient au gouvernement grec”, ajoute-t-il.” (...)

Les Grecs soutiennent leur gouvernement les yeux ouverts et les oreilles bouchées ! Personne n’est dupe, tout le monde est épuisé et la longue vie... des fermetures des boutiques à Athènes se poursuit. (...)

L’amertume qui règne est pour une fois consentie, car elle promet encore les futures douceurs, encore, mais pas pour longtemps. Mon cousin Kóstas, l’enseignant très mal payé du privé, trouve alors que la dernière réforme des lycées estampillée SYRIZA “est désastreuse car mal agencée”. Il pense aussi, que la tumeur qui frappe notre cousine Voúla la pharmacienne, n’est pas étrangère à sa lutte désespérée depuis trois ans, contre la faillite qui menace l’existence de son officine. Opérée cette semaine, notre cousine va mieux, “elle s’en sortira sans problème” d’après les médecins...

Il nous arrive alors à repenser et à nous remémorer nos poètes et écrivains, toujours mieux placés pour nous faire réfléchir, que nos politiques. Une affiche récente à Athènes, invite à redécouvrir le questionnement de Níkos Kazantzákis (1883 - 1957), écrivain principalement connu pour son roman Alexis Zorbas, adapté au cinéma sous le titre Zorba le Grec. “Ai-je vaincu ? Suis-je vaincu ? Tout ce que je sais seulement, c’est que je porte tant de blessures et que je me tiens toujours debout”, peut-on lire sur cette affiche, résumant si bien l’air du temps grec. (...)